L’actualité récente me donne une occasion parfaite pour illustrer l’importance du travail sur ce que j’appelle la structure de l’Esprit via le désir. J’ai donc décidé d’en faire un post. Cette réforme des retraites passée en force provoque un mouvement d’une ampleur que nous n’avions pas vu depuis un petit moment. La raison est que cela sonne et à juste titre comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. C’est intéressant, mais pourquoi en faire un post ? Parce que ce ressenti qui fait quasiment consensus si l’on excepte les soutiens présidentiels va à mon sens toucher quelque chose de profond. Quelque chose que nous ressentons tous, parce que c’est en lien avec le fonctionnement de notre esprit. Ce ressenti, je pense qu’on peut l’exprimer ainsi : nous constatons un comportement pathologique lié à la nature humaine qui s’exprime au plus haut de l’Etat et les institutions qui sont sensées être les garde-fous face à ce genre de dérives peuvent être outre-passées sans aucun contre-pouvoir possible. Donc, nous réagissons au fait que nous sentons au fond de nous que des malades ont tous les pouvoirs. Comment le savons-nous ? Parce que je pense que de façon inconsciente, tout le monde sait qu’il a la même maladie et donc sait où cela peut mener. Cette maladie est un vice de l’esprit, le désir.

Le capitalisme est l’expression économique du plaisir

Je suis tombé sur une vidéo très pertinente de Hume Media, que je vous recommande si vous êtes capables d’avoir du recul sur les choses. Dans cette vidéo, il définit ce qu’est le capitalisme soit l’économie du plaisir. Pour résumer ici, nous avons des désirs, ils doivent être satisfaits pour acquérir du plaisir. Une fois qu’on a le plaisir, on a peur de le perdre. Par conséquent, on va avoir un désir de sécurité, qu’il va falloir à nouveau nourrir ou qui si il nous satisfait permettra d’exprimer de nouveaux désirs. Cette boucle ne s’arrêtant jamais puisque le désir est infini.

Pour alimenter cette boucle, il y a une balance entre le risque et la récompense. Le risque est l’investissement en capital, la récompense le capital que l’on va potentiellement augmenter qui va nous permettre de nous donner du plaisir. Ce plaisir baisse le capital, ce qui nous provoque le besoin de sécurité et on risque plus de capital pour renouveler le plaisir.

Cette boucle est basée sur un mouvement. Si le désir s’arrête ou si la sécurité s’arrête, il n’y a plus besoin de capitaux et le système n’a plus de raison d’être. IL faut donc constamment maintenir le désir et le besoin de sécurité des gens à l’intérieur du système. Il ne s’agit même pas de permettre à ce que ça n’intéresse pas d’en sortir, puisque s’ils sortent, cela fera autant de capitaux en mouvement en moins et donc cela affectera la possibilité d’assouvir des désirs ou un besoin de sécurité. En résumé, l’épargne est le danger puisque cela immobilise le cycle. En effet, l’épargne est là parce qu’on a pas de besoin particulier (plus de désir) et nous garantit une certaine sécurité (besoin de sécurité satisfait).

Ce qui amène aux retraites. Les retraites, en France, c’est du capital immobilisé qui a pour vocation  d’assurer une sécurité jusqu’à la fin de leur vie aux retraités. On voit donc bien le problème d’un système capitaliste face à cet acquis social. L’objectif est donc de réduire à la fois la sécurité et la capacité à assouvir les désirs (ou du moins l’image qu’ils s’en font) des retraités et futurs retraités pour les forcer à rerentrer dans le système (et donc leur argent avec) en les poussant à capitaliser cet argent immobile (retraite par capitalisation ?). Simplement pour satisfaire un dogme, quitte à employer des mesures unilatérales comme le 49.3.

Mais finalement, quel est le problème avec cela ?

L’infinité du désir

Le désir est un mécanisme lié à la motivation, à l’élan vital. Comme tout mécanisme, il est utile mais s’il s’emballe, cela pose problème. La récompense à un désir assouvi est le plaisir, lié à la production de dopamine. Or, comme toute sensation liée aux hormones, elle est éphémère. La tendance va donc d’être de vouloir réactiver cette sensation liée au plaisir et pour cela, il faut un nouveau désir. Les addictions en général reposent sur ce mécanisme.

Nous connaissons tous cette sensation, elle est partagée par tous les humains. Qui n’a jamais scrollé sur les réseaux sociaux par exemple ? On sait aussi la reconnaître chez les autres. Ne vous sentez-vous pas mal à l’aise face à un addict aux jeux d’argent ? Aux jeux vidéo ? A la drogue ou l’alcool ? Au sport même ? Cela nous met mal à l’aise parce que nous savons que nous pourrions être dans la même situation face à ce puit sans fond qui ne pourra jamais être satisfait.

C’est aussi pourquoi il me semble que nous sommes mal à l’aise face aux comportements « des puissants » qui renvoient à cette addiction à l’argent. Le problème est que dans le système capitalistique, l’argent donne également le pouvoir puisqu’il donne la sécurité dans la recherche de tous les désirs même les plus déviants. Donc plus on est addict à l’argent, plus on devient puissant, moins on peut être arrêté. Sauf par la réalité physique évidemment. Tant qu’il n’y a pas une impossibilité physique, il n’y a pas d’arrêt possible au comportement capitaliste. Ce qui explique l’inutilité d’espérer sortir, des inégalités, de la corruption, de la violence ou de la crise écologique actuelle avec ce système-là qui entretient le désir. Seule la réalité physique mettra un terme définitif à cette recherche du plaisir. Et à l’image de n’importe quel drogué, on se voile la face pour se justifier de continuer dans le comportement problématique. Ce n’est pas pour rien que le règne des marchands à toujours précédé l’effondrement civilisationnel.

Sortir du capitalisme, la solution miracle ?

On pourrait croire à me lire que la solution réside en la sortie du capitalisme. Ce serait trop simple. Le capitalisme amplifie le désir et lui donne les moyens de les assouvir jusqu’à en devenir incontrôlables. Mais le problème est la nature de l’Humain. Il suffit de regarder le faste des dirigeants des systèmes dictaturiaux, communistes, royaux ou autres pour comprendre que le système ne fait pas tout. Alors oui, le peuple par défaut ne pouvant pas assouvir ses désirs doit apprendre à y renoncer, ça fait toujours moins de monde qui consomme, mais cela pose un problème majeur : Le désir majeur devient l’idée de liberté, ce qui immanquablement provoque aussi des soulèvements…

Et puis, est-ce que les gens qui manifestent aujourd’hui veulent sortir du capitalisme? Non, ils luttent pour l’égalité. Egalité qui consiste majoritairement à pouvoir accéder aux mêmes choses que les puissants, soit pouvoir assouvir les mêmes désirs. Parce que ne nous illusionnons pas, dans nos sociétés, pour 90 % des gens, les besoins sont assouvis (contre parfois des conditions difficiles, c’est évident). La frustration provient du désir et de la colère face au fait que certains peuvent les assouvir à l’infini tandis que d’autres non. Je mets cependant à part les révolutionnaires écologistes anti-capitalistes qui par contre cherchent à combler le besoin de survivre. Dans ce cas, on peut être en désaccord ou pas avec eux, mais étant conscients du problème (certainement insoluble) écologique qui arrive, veulent la fin du système simplement pour continuer à vivre. C’est un cas intéressant puisque là, on parle de besoin et pas de désir. Voyons la différence.

Besoin et désir

Globalement, les besoins sont des choses indispensables à notre survie et notre bien-être physique et mental. On peut se référer à la pyramide de Maslow pour les connaître. Un besoin satisfait entraîne une amélioration de notre situation. Les désirs à l’inverse sont des choses de l’ordre du fantasme sur lesquels nous projetons qu’une fois acquis, nous irons mieux.

Exemple tout bête. J’ai soif. Si je bois, je n’ai plus soif mais cela signifie que je suis hydraté et que mon corps fonctionne bien. Si je ne bois pas, je vais me déshydrater et peut être mourir. Maintenant, j’ai envie d’une télé dernier cri. Si j’ai ma télé, j’ai ma télé. Il ne se passe rien si ce n’est que je vais être content peut être quelques jours ou heures. Par conséquent, mon désir va changer de place et je vais peut-être vouloir autre chose comme un maximum de chaînes ou un son surround. Et le cycle va recommencer. Pourquoi ? Parce qu’à l’inverse du besoin où il y a un effet très physique du besoin rempli (même sur les aspects plus psychologiques), il n’y a rien dans le désir satisfait qui nous met dans un état de stabilité. Il y a juste un état de down, comme pour les drogues…

Alors pourquoi ressentons-nous du désir si c’est inutile ? Parce que lorsqu’il n’est pas dévoyé, le désir est un moteur de motivation infini de par sa nature.

Comment concilier alors cela et la nature finir du monde ?

Le capitalisme de l’idée

Tout le problème du désir et qu’il est dévoyé et orienté par notre éducation et notre environnement vers le matériel. C’est le désir d’aller plus loin de quelques personnes qui ont permis à l’humanité d’avancer. Mais prenons ces personnes. Quand Pasteur invente le vaccin contre le rage, son désir ne l’a pas poussé à en tirer une accumulation de possessions matérielles mais plutôt de toujours mieux comprendre la microbiologie. Quand les philosophes antiques cherchaient des réponses sur la nature de l’Homme, leur désir était renouvelé par les questions que ces réponses soulèvent.

La compréhension et l’exploration sont des caractéristiques qui ont porté l’Homme où il est aujourd’hui. Ces caractéristiques dépendent totalement du désir et n’ont jamais de fin étant plus des concepts que des objets, au même titre que le désir. Or, seul un contenu infini peut remplir une demande infinie.

Mon opinion est donc qu’aucun système ne peut changer si l’Homme ne change pas lui-même. N’en déplaise à certains qui considèrent que le développement personnel est une excuse pour individualiser le bien-être quand il devrait être de la responsabilité de la société (qui n’est autre que l’ensemble des individus hein…). Si les individus expriment tous un désir insatiable mais porté sur le matériel, la société sera ainsi. Et malheureusement, admettons que le gouvernement tombe, que d’autres viennent à sa place ou même que le peuple gouverne, pensez-vous sérieusement une minute qu’on ira vers plus de sobriété ? Le peuple veut une meilleure répartition des richesses, mais il veut toujours la même richesse globale. C’est juste déplacer le problème à court-terme puisqu’à un moment donné, même si on répartissait tout, il y aurait un appauvrissement général du fait de l’appauvrissement des ressources. C’est pour cela que globalement, qui gagne m’est indifférent à la fin. On remplace juste un malade par un autre.

Si on veut changer ce système, il faut être au clair avec qui on est et comment utiliser notre désir à des fins constructives. Réorienter le désir vers une source infinie est la façon la plus simple d’arrêter d’avoir ce comportement de junkie. Si vous y arrivez, vous sortirez spontanément du capitalisme, sans même avoir besoin de manifester.

Le désir et l’envie, des péchés capitaux

Je ne sais pas si le diable est aux manettes du monde, comme le crient tout un tas de complotistes sur les réseaux sociaux, par contre, je sais que notre système n’est qu’une alimentation d’un péché capital. Péché capital que l’on retrouve dans d’autres traditions comme le bouddhisme où le désir est la source du malheur ou le Taoïsme où le désir est un des huit vices. Le désir est d’ailleurs quasiment la porte ouverte vers les autres tares…

Mais revenons-en à des considérations plus pragmatiques. Je ne suis pas philosophe ni théologien. Je n’en ai pas la compétence ni l’intérêt puisque l’un est un spécialiste de la production du mental quand l’autre fait de l’intellectualisation d’intuition. Ce n’est pas mon domaine. Je m’intéresse à l’Humain et son fonctionnement tout simplement. L’esprit, tout comme le corps a un fonctionnement. Les vices ou les péchés capitaux sont des déséquilibres de la mécanique de l’esprit qui nous empêchent de fonctionner sainement. Ce sont des défauts dans la structure de l’esprit qu’il faut corriger pour être serein.

Quel est le problème du désir ? Le désir est un sentiment qui va globalement nous couper de l’autre. Le désir est par nature égoïste puisqu’il vise à me satisfaire. C’est également la source de la colère puisque si le désir n’est pas comblé rapidement, la colère va se mettre en action pour forcer son accomplissement. Le fait qu’on soit dans une société de l’immédiateté montre l’impact majeur de l’intolérance à la frustration et indique donc encore une fois la profondeur de l’impact de la société capitaliste sur notre esprit.

Si l’accomplissement c’est être proche de Dieu ou du divin ou de ce que vous voulez en termes d’Unité, le désir est ce qui vous en sépare.

Le problème du développement personnel

 

Alors comment changer cela ?

 Le développement personnel est à la mode. C’est peu de le dire. C’est un phénomène puissamment cynique puisque finalement, le marché s’est emparé d’une forme de prise de conscience de beaucoup de gens d’un problème (manifesté par un mal-être quel qu’il soit) pour proposer une multitude de solutions et en faire un marché lucratif.

Le besoin d’accomplissement a été remplacé par le désir de spiritualité, d’être à la mode et de faire des « expériences ». Soyons honnêtes, qui se tient sur la durée à une seule pratique ? Quasiment personnes. Les gens papillonnent aux grès des lectures et des stages, toujours à la recherche de la dernière « expérience spirituelle » ou de « dépassement de soi » à la mode.

Si vous voulez changer, retenez ceci : il faut de la constance dans la pratique, quelle qu’elle soit. Vous pouvez tomber sur des professeurs qui ne vous conviennent pas, sur des exercices qui vous ennuient, très bien. Mais gardez votre cap. Ne suivez pas votre « intuition », si elle était bonne, vous ne feriez pas ce papillonage. Vous pouvez gardez l’esprit ouvert, oui, mais gardez une pratique constante sur la durée. Un bon système prend en compte que construire quelqu’un c’est long, rééduquer quelqu’un, c’est encore pire.

Et par expérience, s’attaquer au désir est vain sur la durée sans une construction solide à la base (sauf peut-être pour une personne sur huit… et encore). Et par construction solide, je ne parle pas que d’un point de vue mental. Si le corps pose problème, si vos émotions posent problème, vous ne pouvez pas avoir la clarté, ni la volonté, ni le recul nécessaire pour travailler sur vos désirs. Ce n’est pas pour rien que c’est si difficile d’arrêter de fumer par exemple…

Réorienter le désir puis le dompter

Réorienter le désir vers une source infinie, comme la connaissance, ou l’art, ou le jeu est une première étape et certainement la plus accessible à court-terme par tous. Pour faire cela, il faut éclaircir qui on est. De nombreuses écoles proposent ce travail. Un seul bémol, ce travail ne doit pas être une construction du mental. En effet, ce type de construction peut être totalement opposé à qui vous êtes réellement. C’est donc plus complexe que cela. Personnellement, j’ai développé un outil que j’ai appelé l’arbre des pourquoi. Cela permet de mettre en place une véritable carte de nos comportements en évitant au maximum l’écueil du mental grâce à plusieurs protocoles respiratoires.

Une fois que l’on arrive à se connaître, cela permet de trouver un intérêt profond pour une chose relativement conceptuelle mais qui peut s’exprimer matériellement. Cela sera une première étape.

La deuxième étape est celle que l’on rencontre chez des maîtres de tout type. De l’artisant à l’artiste, du scientifique au maître d’arts martiaux, du moine au chasseur. Chez ces personnes-là, l’atteinte de la perfection dans leur domaine n’est plus de l’ordre du désir mais bien du spirituel. Toute leur attention et leur puissance de travail est au service de l’expression parfaite de qui ils sont. Cela pourrait ressembler à de l’obsession mais on voit la différence grâce au détachement paradoxal qu’ils ont face au résultat. Ainsi, à cette étape, le désir est définitivement remplacé par le besoin d’accomplissement. Cet état est un état vertueux parce qu’il satisfait le pratiquant de façon intrinsèque sans avoir besoin de prouver et il inspire. Typiquement, quand vous voyez un maître forgeron japonais ou un ascète méditant, vous ne pouvez qu’être inspiré par la pleinitude qu’ils manifestent dans leur art. Par contre, vous n’aurez probablement pas envie de vous mettre à la forge.

A l’inverse, du désir de reconnaissance qui dépend des autres et leur font souvent envie. Par exemple, les gens qui font des pubs sur le trading devant une ferrari, personne n’admire qui ils sont, mais plutôt ce qu’ils ont et ils contaminent les autres avec le désir d’avoir la même chose…

La troisième étape, je suppose que c’est lorsque le désir a disparu et que la pleinitude est notre état… Je vous dirai si j’y arrive un jour…

Vous vous rendez donc bien compte qu’une fois là, le désir n’est plus un problème, ni pour soi, ni pour les autres.

La légitimité de la révolte

Que l’on soit bien clair. Les besoins sont bien réels et vouloir faire tomber des responsables quand on n’a pas à manger est plus que légitime. Les désirs n’arrivent que quand les besoins sont comblés (ce qui implique d’avoir, d’une manière ou d’une autre, besoin de travailler pour y subvenir).  Néanmoins, c’est vain. Rien ne se passera tant que la nature même des dirigeants ne changera pas, ce qui impliqueraient que la nature de la population aura changé…

Malgré cela, rien ne vous empêche de changer vous. La vie devient beaucoup plus simple avec des désirs assouvis de façon illimitée et sans avoir à diminuer les ressources d’autrui pour y parvenir (parce que oui, prendre un avion pour aller visiter Bali, ça a un impact sur tout le monde et ça ne vous rendra pas plus heureux dans la vie, même si faire des envieux vous procure un plaisir éphémère…). Le meilleur moyen de se passer d’un système est d’en avoir le moins besoin possible…

Pour cela, un seul moyen, travailler sur Soi. Vraiment.

A bientôt

Yvan