La respiration nasale alternée est une respiration classique en yoga. On peut même dire que c’est une respiration assez spécifique du yoga puisqu’à ma connaissance, on ne la retrouve pas ailleurs. Traditionnellement, la respiration alternée stimulerait des circuits énergétiques différents en fonction de la narine ce qui aurait de multiples effets. Avec de mémoire la narine gauche qui est un équivalent du yin tandis que la droite serait plutôt yang. Ainsi la respiration nasale alternée rééquilibrerait les énergies et respirer plutôt avec une narine que l’autre aurait des effets spécifiques.
Personnellement, cette respiration nasale alternée m’a toujours interrogé puisque lorsque je la pratique, je ne sens strictement aucune différence avec une respiration sur le même rythme mais fait avec le nez. J’en ai discuté avec plusieurs pratiquants avancés qui eux-mêmes étaient dubitatifs sur cette respiration. Par conséquent, pour voir à côté de quoi je passais, je suis aller creuser un peu dans la littérature scientifique. Le but aura été d’objectiver un peu cette respiration. J’aurais ainsi pu comprendre en quoi elle a un effet supplémentaire à la respiration avec les deux narines. C’est le sujet de cet article.
La respiration nasale alternée, la théorie traditionnelle
Qu’est-ce que la respiration nasale alternée? C’est une respiration où l’on va volontairement boucher une narine puis l’autre pour inspirer et expirer. Pour avoir plus d’information sur cette technique, je vous invite à consulter ce blog où la pratique est bien décrite dans le cadre du yoga.
Parmi les bienfaits que l’on retrouve régulièrement, on cite l’activation du système parasympathique. C’est quelque chose qui est très souvent cité. C’est assez étonnant puisqu’un côté est excitant, l’autre est calmant donc tout au plus, on devrait être à l’équilibre, comme pour la cohérence cardiaque. Si le parasympathique s’active, c’est lié à un allongement de la respiration et on se retrouve alors comme avec les respirations profondes. De même, certains affirment qu’elle synchronise les deux hémisphères du cerveau. Je ne sais pas ce que cela signifie…
Alors bien sûr, il est connu que physiologiquement, on respire préférentiellement d’une narine puis de l’autre de façon alternée sur des cycles de quelques heures. Cela permet entre autres de désensibiliser les récepteurs olfactifs lorsque le nez est bouché permettant de mieux reconnaître les odeurs lorsque la narine est ouverte. Ceci se fait par des cycles de vasoconstriction, vasodilatation de la muqueuse nasale, obstruant ou libérant respectivement le flux d’air. Ce cycle est contrôlé par le système nerveux végétatif. Par conséquent, est-ce qu’il y aurait un feedback permettant de le contrôler en retour?
Les bénéfices de la respiration nasale alternée selon la science
Pour trouver de l’information sur la respiration nasale alternée, il faut plutôt chercher dans les journaux indiens sur l’étude de l’ayurveda, du yoga et des thérapies de santé. Ceci pose problème de conflits d’intérêt et donc les résultats sont à prendre avec des pincettes. Néanmoins, la littérature sur le sujet est relativement restreinte. Ainsi, 15 études ont été publiées en anglais sur le sujet. Après un premier tri, moins de la moitié concerne nadi shodhana spécifiquement. C’est minuscule.
Parmi ce qu’il reste, qu’apprenons-nous?
Sur la variabilité cardiaque (un marqueur de l’activité du système nerveux autonome), aucun effet n’a été observé dans cette étude. Dans une autre étude menée en 2017, il semble qu’au contraire, cette respiration a un effet est qu’elle stimule le sympathique. Certains ont voulu regarder l’effet de cette respiration sur le stress perçu et il semble que la respiration alternée diminue le stress perçu…. mais pas plus qu’une respiration profonde… De même, une étude a montré que la respiration alternée en combinaison avec d’autres respirations augmente la fonction respiratoire de nageurs. Curieusement, un effet a été observé sur la force de préhension des mains lorsque ce travail est couplé avec de la respiration alterné. Néanmoins, une autre étude, avec un échantillon plus petit ne confirme pas…
Bref, rien de concluant et lorsqu’il y a un résultat, il n’est pas mieux qu’avec d’autres techniques respiratoires. En conclusion, à la vue des connaissances actuelles, à part faire en sorte que votre énergie circule mieux dans vos chakras, la respiration alternée ne présente pas plus d’intérêt qu’une respiration lente.
Avec tout de même un bémol…
Le lien entre cerveau et respiration alternée
La respiration nasale alternée est un phénomène physiologique connu sous le nom de cycle nasal. En effet, nous ne respirons de façon normale jamais de façon égale par nos deux narines. En fait, nous ne respirons principalement que par une narine à la fois, l’autre étant relativement bouchée. Plusieurs raisons expliquent cela. L’une d’elles est que cela permettrait de maintenir nos récepteurs olfactifs suffisamment sensibles au cours du temps en les laissant au repos environ 1h30 à chaque fois. Cette congestion se fait par un jeu de vasoconstriction et vasodilatation des muqueuses nasales. Ainsi, nous avons toujours l’impression d’avoir une narine bouchée!
En faisant des recherches sur cette respiration, je suis tombé sur d’autres articles présentant un intérêt important. En effet, la latéralisation de la respiration durant son cycle naturel (pas pendant l’exercice de respiration alternée) montre clairement un effet sur le fonctionnement des hémisphère cérébrale. Ainsi, certains auteurs proposent l’hypothèse que la latéralisation des mains (être gaucher ou droitier) corrèle avec la narine dominante. Ils ont découvert que plus de 60 % des gens ont leur narine dominante qui correspond avec leur main dominante. Cette étude est faîte sur un nombre de personnes assez faible mais reste tout de même curieuse.
Mais il y a plus impressionnant. Il semblerait que les gauchers soient plus prévalent dans certains désordres psychiatriques comme la schizophrénie ou l’autisme. La latéralisation du cerveau pourrait donc être en cause. Par exemple, Danet et al., 2007 ont montré que les enfants autistes sont la plupart du temps gauchers et ont une narine gauche dominante. Une hypothèse serait que la dominance de cette respiration induirait une suractivation de l’hémisphère droit liée à la reconnaissance spatiale et une sous-stimulation de l’hémisphère gauche liée au langage.
En 2009, la même équipe a montré que chez les schizophrènes droitiers, la narine gauche est dominante la plupart du temps. Ces études ont également des faiblesses en terme de nombre mais le lien est marquant et donc serait à confirmer plus sérieusement. Ainsi, une respiration uniquement latérale gauche est corrélée à des hallucinations chez une patiente schizophrène (Shannahoff-Khalsa et al., 2007).
Un lien entre activité cérébrale et flux nasal?
Le flux nasal varie toute les heures et demi en général malgré une narine dominante (la droite le plus souvent). Par conséquent, existe-t-il un lien entre l’activité cérébrale et ce flux? Il semblerait que oui!
Par exemple, chez des patients victimes d’une attaque cérébrale, une respiration unilatérale améliore la récupération du langage (Marshall et al., 2015). Plus généralement, forcer la respiration dans une narine permet d’augmenter le flux sanguin dans une hémisphère particulière et donc de stimuler cette zone. Un autre exemple est que certaines hyperventilations nasales sont plus susceptibles de déclencher une crise d’épilepsie que des hyperventilations buccales.
En faisant cela, on pourrait donc théoriquement améliorer spécifiquement l’efficacité de résolution de certaines tâches cognitives.
Conclusion
Le nadi shodhana n’a en soi pas plus d’intérêt que n’importe quel autre pratique respiratoire. Néanmoins, c’est peut-être liée à une histoire de timing. En effet, la latéralisation de la respiration a bien des effets sur le cerveau et il est donc intéressant de regarder si une pratique plus longue pourrait réellement avoir une influence sur nos performances cognitives.
Par conséquent, pour profiter de ce phénomène faut-il changer la manière de pratiquer la respiration alternée? En tous cas, c’est le choix que j’ai fait pour l’intégrer à la méthode REBO2T.
Comment cela marche-t-il du point de vue du système nerveux? Cela fera l’objet d’un article spécifique!
A bientôt
Yvan
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Bonjour Yvan,merci pour cet article (intéressant comme toujours). Nadi shodhana n’est effectivement pas plus relaxante qu’une autre respiration profonde. Elle constitue une des bases du yoga tantrique et du swara yoga (mon préféré). Les yogis swara optimisent toutes leurs activités en fonction de la narine dominante et des cycles lunaires . Le but est l’ouverture de la sushumna (le canal central) ce qui permet des activités spirituelles profondes. Il est ouvert lorsque les deux narines sont parfaitement ouvertes, ce qui n’arrive pas souvent. A moins qu’on ne provoque cette ouverture grâce à divers exercices, dont Nadi Shodhana. Bien à toi
Bonjour Laurent, merci pour cette précision! Effectivement, l’aspect traditionnel est à prendre à compte dans cette pratique lorsqu’on y croit pour y trouver son sens. Ce qui n’est pas étudié par la science.
Oui Yvan. Tout n’est pas explicable et factorisable. L’énergie (le prana) va où la conscience la dirige. Lorsque je pratique cette respiration je visualise les canaux (nadi) et dirige le prana du haut vers le bas : j’inspire par la narine gauche Ida (négatif, lunaire, féminin) puis je souffle par la narine droite du hara vers le nez via pingala (solaire, masculin, positif) , puis l’inverse inspir narine droite, expir narine gauche. Il y a souvent une narine qui bloque mais ça se débloque vite avec cet exercice. Personnellement c’est ma préférée. Après effectivement il faut y croire mais…tout commence par là. Je suis de près tes travaux: bravo, continue.
Dans le yoga que je pratique, dans lequel le pranayama est étudié de manière assez profond. On dit qu’en dessous de 25 min de ce souffle, il s’agit d’un entrainement pour tout mettre en place. Mais c’est à partir de 25min que l’on commence à sentir les effets. Après je ne sait pas comment vous pratiquez, mais la technique complète comprend les visualisations, les rétentions ainsi que la respiration sur un rhytme inégal.
Ce que je remarque régulièrement avec ces pratiques qui se popularisent, c’est qu’elles sont apris puis enseigné à moitié voir à 10%… Ce qui est normal au début parce qu’on ne peut pas tout faire dès le début. Mais en même temps on ne peut pas se forger un avis sur une pratique effectuée à 10%. Ce qui est dommage.
Ce n’est pas anodin si la respiration nasale a,terné (nadhishoda), fait partie des pratiques respiratoires les plus importantes du Yoga.
Je vous invite à la tester tous les jours, pendant une semaine, sur 25 min.
Pour info, jusqu’il y a peu (les années 2000), la cohérence cardiaque était vue par les scientifiques comme une pratique farfelu de hippies (dixit le magasine science et vie) aujourd’hui elle est partout.
A savoir qu’elle vient effectivement de hippies, qui l’on récupéré d’une pratique de pranayama : samavritipranayama.
PS: Je viens de découvrir votre blog que je trouve hyper complet, c’est assez rare aujoud’hui les personnes qui ne survolent pas les sujets. Du coup je m’abonne 😉
Bjr.
Je pratique le yoga et les techniques de respiration mais avec la cloison nasale déplacée ça posait pb. Je me suis fait opérer, à 64 ans et j’ai re-découvers le bonheur de respirer…
Oui quand on peut c’est bien de le faire et c’est un e opération bien maîtrisée auourd’hui