Il y a quelques temps j’ai été interrogé par le magazine Nexus sur les dangers du port du masques ou plutôt sur mon opinion sur le sujet. Ma réponse étant que je ne connaissais pas de preuve du danger pour la santé, ils m’ont envoyé trois publications dans des journaux scientifiques disant que les masques posaient problème. En lisant les articles, j’ai rapidement pointé les éléments montrant clairement qu’il n’y avait pas de problème. Ma réponse n’était pas celle attendue visiblement et ils ont donc publiéun article complet dans le numéro suivant montrant que si.

Ceci m’a donc donné l’idée d’écrire un article en faisant un peu le tour de ce que l’on sait sur les masques mais qui me donnera surtout l’occasion de parler un petit peu de méthodologie scientifique et d’analyse de données.

 

 

J’en profite pour remercier Sébastien Zappa, PhD et instructeur Wim Hof et oxygen advantage pour sa relecture critique de l’article

 

 

Le cirque du covid-19

 

La crise du covid n’a pas été l’heure de gloire de la science, loin de là. Ou plutôt, la science a perdu en crédibilité aux yeux du grand public puisqu’elle a avancé à tâtons. A aucun moment, elle n’a pu suivre le rythme des medias et trop de choses qui ont été dîtes à un temps T ont été traitées comme des vérités absolues pour être réfutées quelques mois plus tard. Pourtant, là où les gens voient cela comme une faiblesse, pour moi, cela montre la bonne santé et le bon niveau des chercheurs.

Pourquoi ? Parce qu’on n’est pas des prêtres. On ne lit pas des textes sacrés gravés dans le marbre. La science avance par essais/ erreurs. Il est naturel de revenir sur des hypothèses ou même sur la compréhension de certains phénomènes. On en découvre littéralement de nouveaux tous les jours. Il est donc naturel que la vérité d’hier ne soit pas celle d’aujourd’hui. Par contre, la vérité d’aujourd’hui s’appuie sur celles d’hier.

Le problème est quand on demande à des gens dont le boulot est de comprendre les choses de donner des nouvelles solutions à un rythme qui n’est pas du tout adapté à celui de la recherche, en particulier en biologie. Le problème est quand des gens qui font de la recherche sont mis au même niveau de preuve que des gens qui sont des praticiens et qui donnent leur avis sur des choses qu’ils ont vaguement vu durant leurs études qui parfois étaient il y a 40 ans (et même parfois des animateurs télé, des comiques et des artistes dont la parole est mis au même niveau de preuve que des spécialistes…)… (cf Etienne Klein ci-dessous)

 

Il s’en est donc dégagé un brouhaha général qui n’a vraiment pas fait de bien.

Parmi les sujets chauds, il y avait le port du masque que l’on doit utiliser pour éviter la propagation du virus et qui a provoqué une vive réaction. D’ailleurs, le seul post que j’ai relayé sur le sujet m’a valu des insultes. Je me doute donc que cet article risque de déplaire à certains mais mon objectif est de poser des questions et de donner des outils pour y répondre. Après, chacun fait ce qu’il veut.

 

Le niveau de preuve

 

La première notion à intégrer si on veut avoir un débat intelligent est le niveau de preuve dans l’argumentation. Cent études réalisées sur 200 personnes avec une bonne méthodologie et tendant toutes vers le même résultat n’ont pas la même valeur que la conclusion de Martine dont le beau-frère du voisin est tombé malade après avoir porté le masque pendant trois heures d’affilée. Et ce même si Martine est de bonne foi. En science, il n’y a pas de vérité. En science on considère qu’il existe une réalité autonome et indépendante de l’observateur. La méthode scientifique permet d’établir des descriptions de parties de cette réalité. Mais ces descriptions ne sont pas gravées dans le marbre. Elles peuvent être corrigées, modifiées etc en fonction des avancées théoriques et technologiques.

Autrement dit, dans cette réalité, il y a une probabilité statistique très forte qu’un événement se comporte toujours de la même façon quand on le met dans les mêmes conditions. Donc pour reprendre mon exemple, même si Martine a vraiment parlé à son voisin qui a vraiment vu son beau-frère tomber malade après avoir porté un masque, si 20000 personnes testées par différentes personnes ne présentent globalement pas d’effets, on considèrera que la conclusion de ces études (i.e. le port du masque ne pose pas de problèmes majeurs) a plus de valeur que la conclusion de Martine qui est que le masque rend malade.

C’est une convention qui permet de travailler correctement la plupart du temps et qui permet de plus facilement tirer des conclusions sans avoir à s’assurer que Martine, sa voisine et son beau-frère disent la vérité et donnent les bonnes informations sans omettre celles qui pourraient indiquer autre chose (on verra ça plus tard).

Si l’on n’accepte pas cette convention, que nous reste-t-il ? Le parole contre parole. Autrement dit que toutes les paroles se valent. Cela veut dire quoi ? Que ma théorie des petits lutins magiques qui font marcher le monde est aussi valable que la gravité ou de l’existence des géants de glace (que l’on ne peut pas voir parce qu’Odin les a tous tués et renvoyés sur Jötunheim, cf le documentaire Thor par Marvel Studio). Ou encore que l’Australie n’existe pas puisque moi je ne l’ai jamais vu (tout comme le Nord-pas-de-Calais d’ailleurs où je ne suis jamais allé puisque ça n’existe pas). On voit bien que bien que cela peut donner des débats amusants, cela ne sera pas très constructif. Sauf si quelqu’un veut me prouver que l’Australie existe et me paye le billet d’avion et un hôtel sur place tant qu’à y être. Et encore. Qui me prouve que c’est bien l’Australie et que l’avion a vraiment décollé et que je n’était pas dans un simulateur qui m’a en fait amené ailleurs ? On nage alors en plein relativisme et on voit bien que ça ne mène nulle part.

Pour la suite de ces articles, on va donc accepter la convention que les arguments avec un haut niveau de preuve seront mieux considérés que les arguments à faible niveau de preuve. C’est beaucoup moins rigolo, je vous l’accorde.

 

Comment définir un niveau de preuve ?

 

Plusieurs éléments vont amener un niveau de preuve élevé. En science, il faut publier dans une revue à comité de lecture. Qu’est-ce que cela veut dire ? On va envoyer un article exhaustif sur un sujet qui contient l’ensemble des résultats et surtout comment ils ont été obtenus pour pouvoir le refaire de façon indépendante. Cet article va être relu par des spécialistes du sujet, je reviendrai là-dessus, qui vont juger si l’article est suffisamment complet pour montrer sans ambiguïté ce qu’il cherche à montrer. Si ce n’est pas le cas, et ça arrive souvent (en tous cas moi presque à chaque fois), ils demandent des expériences complémentaires pour s’assurer que tout ce qui est défendu par les chercheurs est bien démontré. Si c’est le cas, ils confirment à l’éditeur que l’article peut être publié.

Ce système est intéressant mais pas parfait. En effet, on est toujours dépendant de la bonne foi de ceux qui ont fait les expériences, qu’ils n’ont pas trafiqué les résultats ou que les expériences ont été faîtes correctement. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le temps de la science ne peut pas être instantané. En effet, la vie d’un article relatant une découverte scientifique continue après sa publication. Dans cette après publication, les équipes concurrentes qui travaillent sur le même sujet vont être automatiquement amenés à s’appuyer sur ces résultats. S’ils sont en désaccords, alors on reviendra sur la première étude pour voir de quoi il en retourne. Le résultat est que sur le moyen terme, ce qui est faux est réfuté. C’est donc ainsi que l’accumulation d’études sur un sujet donné, en confirmant ou infirmant les hypothèses de départ, permet la constitution d’un consensus scientifique. C’est aussi la raison pour laquelle le temps scientifique est long et définitivement pas le même que celui des media.

En terme de niveau de preuve, la publication est la base de la crédibilité. Tout ce qui est hors de ce champ ne relève pas de la preuve, au mieux de l’information à confirmer. Par contre, au sein même des publications, toutes celles-ci ne se valent pas : la réputation du journal et la nature de l’étude confèrent différents niveaux de preuve. Une meta-analyse, qui regroupe de nombreuses études pour en tirer une conclusion et publiée dans Nature a un niveau de preuve plus élevé qu’une étude publiée dans « Asian Journal of Medicine and Health » et dont le titre serait par exemple SARS-CoV-2 was Unexpectedly Deadlier than Push-scooters: Could Hydroxychloroquine be the Unique Solution? (plus d’infos sur cette histoire très drôle sur ce lien).

Pourquoi ? Parce que Nature est très lu par de nombreux spécialistes et donc a plus d’impact que cet autre journal lu par personne. Alors oui, on pourrait reprocher que c’est un argument d’autorité mais il faut voir plus loin. Un article faux publié dans Nature sera beaucoup plus facilement réfuté plus tard justement parce que de nombreux spécialistes le lisent et donc y apportent un avis critique. C’est ainsi que l’étude frauduleuse sur le Lancet sur l’hydroxychloroquine a été réfutée dans la semaine. Là où les non-connaisseurs voient une preuve du mauvais fonctionnement de la science, moi je vois au contraire que le système est robuste puisque l’article frauduleux a été rapidement éliminé. De plus, il a été rejeté non pas sur ses conclusions mais parce qu’il y a eu détection de fraude. Cela illustre donc bien que ce système de contrôle permet même de repérer la malveillance.

 

Le besoin de spécialistes

 

Qu’est-ce qui fait la différence entre Jenesuispasunmouton1991 sur facebook, un chroniqueur sur cnews, un journaliste, un journaliste scientifique, un médecin, un scientifique, un spécialiste du domaine et un spécialiste d’une thématique ? Quand il s’agit de tirer des conclusions d’un article, plus on s’approche de la fin de la phrase plus les gens sont non seulement capables de comprendre de quoi on parle mais aussi de pondérer l’information et de comprendre la manière dont cette information a été obtenue. En recherche, la pondération, le recul et la mise en contexte sont presque plus important que savoir analyser des résultats.

Or, ce qui fait la pertinence d’une analyse c’est justement la compréhension de comment les résultats ont été obtenus et que signifient ces résultats dans un contexte donné. Je donnerai un exemple très concret avec les masques. Donc, une problématique avec la diarrhée informationnelle à laquelle on a droit est que des médecins généralistes (dont les connaissances en biologie moléculaire et en génétique s’arrêtent à un niveau de bac+3) sont interrogés sur les taux de mutations et leurs effets sur la conformation tridimensionnelle de la protéine Spike alors qu’aucun d’eux n’a été amené à faire ce type d’analyse. Ils comprennent les mots mais n’ont pas forcément le recul pour en tirer la bonne information. Et l’inverse est vrai aussi. Prenez un microbiologiste, vous lui parlez d’une rhinopharyngite, il saura ce que c’est, pourra éventuellement décrire avec précision les agents infectieux impliqués, les mécanismes en jeu à l’échelle moléculaire, mais ne sera pas capable de faire un diagnostic différentiel de médecin parce qu’il ne l’a jamais fait et que ça n’est pas son travail.

Par conséquent, il est nécessaire d’écouter avant tout les spécialistes. Le problème c’est qu’ils ne sont pas forcément d’accord, ce qui peut prêter à confusion. Malheureusement, challenger des hypothèses est le principe même de la science. Si on ne peut pas argumenter et essayer de montrer que ce que l’autre dit n’est pas juste, il n’y a pas de débat scientifique et donc aucun consensus ne se dégage. On devient alors une religion. Ah, un détail que m’a fait remarquer Sébastien, les débats dont je parle ne se font pas sur plateau télé mais par journaux spécialisés interposés. Et ces débats portent plus sur des points spécifiques que sur les grandes lignes consensuelles dont on parle justement sur les plateaux télé. Juste pour clarifier…

 

Revenons-en aux masques

 

Après avoir posé ces quelques bases, revenons-en aux masques. Que dit la littérature à ce sujet ? Tout d’abord, je vais chercher les articles avec le niveau de preuve le plus élevé. Pour cela, je vais plutôt voir s’il existe une meta-analyse (compilation de plusieurs études sur le sujet) ou au moins une revue de littérature pour voir où est le consensus. Je vais chercher plutôt des journaux à haut-facteur d’impact et de préférences des articles relativement récents. Pour cela, je vais aller dans la base de données pubmed avec les termes « health impact surgical masks »

Pour la meta-analyse, une étude existe justement. Elle a été publiée dans le Lancet en juin 2020 et parle de l’effet du masque sur la transmission du virus. Ce n’est pas l’information que je cherche mais néanmoins, il est montré, sur 44000 personnes dans 44 études différentes, que le masque réduit le risque de contamination. La distanciation sociale également. Pour les détails c’est ici. Notez que je n’ai lu que l’abstract, c’est-à-dire le résumé et les principaux résultats de l’étude. Je n’ai pas cherché à aller plus loin vu que ce n’est pas le sujet … Je décide donc dans ce cas de faire confiance au niveau de preuve de l’article. Ceci pourrait se révéler à terme une erreur mais c’est une histoire de probabilités et de pondération de mon choix.

Continuons donc avec les revues. Avec ce filtre, une revue de littérature sort. Elle étudie l’impact des masques sur la réponse cardiorespiratoire à l’activité physique. Elle est publiée en mars 2021 dans le journal Annals of the American Thoracic Society dont le facteur d’impact est d’environ 4. Pas forcément extraordinaire mais honorable. Ce n’est donc pas une revue farfelue. Si on regarde simplement l’abstract, les auteurs concluent que le masque ne pose pas de problème lors de l’activité physique sauf chez des gens avec des maladies cardiovasculaires sévères chez qui le port du masque provoque une dyspnée. Définissons dyspnée avant d’aller plus loin  sur le Larousse : « Difficulté à respirer, s’accompagnant d’une sensation de gêne ou d’oppression ; essoufflement. » Il y a une notion de subjectivité dans la dyspnée mais il n’y a pas de signes physiologiques. On ne parle donc pas d’une maladie grave…

Si on rentre plus dans la revue, on voit que le masque augmente la force nécessaire à la respiration (vous l’aurez tous expérimenté en particulier si vous respirez mal) mais n’influe pas sur les conséquences de l’activité physique à faible, moyenne et haute-intensité. Même chez les personnes âgées, aucune incidence n’a été observée si ce n’est de la dyspnée également. La seule interrogation demeure chez les enfants de moins de six ans qui n’ont pas encore fait l’objet d’études spécifiques (cela ne veut pas dire qu’il y a ou pas des effets!).Donc dans cette revue de littérature prenant en compte 77 études indépendantes, la conclusion est que le masque est sans danger sauf pour les personnes malades chez qui il provoque un inconfort respiratoire et qu’il faut faire plus d’études sur l’impact sur les enfants de moins de 6 ans.

En continuant la recherche, le consensus est que le masque ne pose pas de problème de santé et que le rapport bénéfice/risque est totalement en sa faveur. La grosse question actuelle sur laquelle les recherches se concentrent sont quand faut-il le porter (vous trouverez ces articles en tapant « surgical mask health condition » sur pubmed).

 

Parlons des articles anti-masques

 

Comme mon temps est limité et que je ne compte pas non plus passer plusieurs jours à écrire cet article, je vais directement aller à la phase où je discute des articles qui m’ont été envoyés par Nexus ou que j’ai pu trouver sur des sites d’informations « alternatifs »…

Avant cela, j’ai tout de même cherché des revues qui décriraient les dangers du masque. Je n ‘en ai pas trouvé. La seule que j’ai identifiée est une revue publiée dans International Journal of Language & Communication Disorders, facteur d’impact 1,5, ce qui commence à être bas quand même dont le titre est « Exploring the impact of mask wearing on communication in healthcare. C’est la seule revue qui atteste d’un danger du masque. En l’occurrence, la communication entre patient et soignant est plus difficile avec un masque et peut nuire à la qualité du soin. Cette revue couvre une quarantaine d’études et sa conclusion est qu’il faut récolter plus de données sur l’impact du masque sur le bien-être des patients lors de l’interaction avec un soignant.

Personnellement je ne considère pas cela comme un risque pour la santé donc je n’irai pas plus loin là-dessus( cela ne veut pas dire que je considère le bien-être du patient comme pas important).

J’ai donc reçu trois articles. Que je vais analyser ici.

 

Les masques entraînent une deoxygénation du sang !!!!!!!!

Ah oui quand même. Moi perso, j’ai du mal a faire tomber ma saturation en O2 en dessous de 80 en faisant 20 min d’exercices en hypoxie où j’ai l’impression de mourir et les masques peuvent le faire alors qu’on ne s’en rend même pas compte? Creusons la question!

Ce premier a été publié dans Neurocirugia en 2008, impact factor à 0,5, autant dire qu’on se rapproche d’un journal poubelle. Mais admettons. Le titre est « Preliminary report on surgical mask induced deoxygenation during major surgery ». Alors là on est en plein dans un article qui annonce que le masque conduit à une déoxygénation ! Analysons donc cet article.

L’idée était de tester l’influence du masque sur l’oxygénation du sang au cours d’une longue chirurgie sur les chirurgiens. Pourquoi pas. Les chirurgiens portent en effet un masque durant toute l’opération donc les auteurs ont voulu voir si cela les rendait malades.

Comment ont-ils fait cela ? Ils ont pris 53 chirurgiens et ils ont utilisé un oxymètre de doigt pour mesurer la saturation en pre et post opération. Les résultats sont qu’en post-opération, le cœur des médecins bat plus vite qu’en pré et que la saturation en oxygène du sang diminue, en particulier chez ceux de plus de 35 ans. Ok. Conclusion de l’article, cette diminution est dûe soit au masque, soit au stress de l’opération.

Voilà le résumé. Maintenant, rentrons dans l’article pour voir vraiment comment cela a été fait.

L’introduction de l’article pose l’hypothèse que le fait de réinspirer du CO2 expiré pourrait entraîner une diminution de l’oxygène dans le sang et justifie ainsi cette étude. Dès cette phrase, on est déjà sur quelque chose de discutable puisque le CO2 favorise la vasodilatation…Mais bon continuons. Les auteurs rappellent également qu’une saturation normale est entre 90 et 97,5 %. Pour mesurer cette saturation, ils ont utilisé des oxymètres de doigts, des appareils dont j’ai déjà parlé, pratiques, non invasifs, mais moyennement précis et stables. Je vous invite à faire le test vous-même.

Je vais passer sur la constitution des groupes pour aller directement aux résultats.

 

 

Comme on peut l’observer sur cette figure sans entrer dans l’analyse statistique, on constate qu’il y a une baisse entre le repos et la fin de l’activité. Une baisse incroyable de maximum 2 % de saturation. Le degré d’erreur de l’oxymètre étant relativement proche de cette valeur. D’ailleurs de façon amusante, on constate qu’entre le groupe au repos du point 1 et celui du point 2, on a une baisse quasi équivalente entre le repos du point 2 et le travail du point 2… Et admettons que tout cela soit très sérieux, on reste en 98 et 96 quand la norme est entre 90 et 97,5 % d’après les auteurs eux-mêmes.

Je vais passer sur les autres figures qui sont du même accabit et qui comparent les mêmes données en fonction de l’âge et du rythme cardiaque avec des résultats amusants où dans certaines conditions, que les auteurs ont calculé comme non significatives mais avec un delta équivalent à ceux qui sont significatifs, le rythme cardiaque est plus bas à la fin de l’opération qu’au repos…

Bref, cette étude est tout sauf solide et les conclusions avancées sont plus qu’exagérées. Les auteurs disent quand même que c’est une étude préliminaire et qu’il faudrait en faire une plus importante. L’article datant de 2008, il est probable que ça n’a jamais été fait ou alors que les résultats ne montraient rien.

Passons au deuxième article…

Le masque provoque une dyspnée !!!!!!!

 

L’article suivant a été publié en 2017 dans la Revue des maladies respiratoires, un journal à facteur d’impact 0,462. (Je vous ai dit que Nature c’était un journal à facteur d’impact 42?). Le titre est « Effet du port du masque de soins lors d’un test de marche de six minutes chez des sujets sains ».

Le test de marche de six minute est un test classique en pneumologie. Parfois, les patients contagieux doivent porter un masque donc une étude a été faîtes pour voir si le masque avait un effet sur le test déjà chez des sujets sains. Cette étude a été faite sur 44 sujets sains, avec ou sans masques. Les mesures ont été faites sur la dyspnée, la fréquence cardiaque et la saturation en oxygène et la distance parcourue à la fin du test.

La conclusion de l’article est que le port du masque augmente la dyspnée.

Avant tout rappelons la définition d’une dyspnée : C’est une sensation subjective d’oppression respiratoire se traduisant par une difficulté à respirer. Le terme d’essoufflement est assez souvent utilisé par les patients pour désigner une dyspnée.

Voici les résultats

 

Comme on peut le voir, le masque n’impact sur aucun paramètre sauf sur la dyspnée. Autrement dit, les sujets qui portent le masque ont la sensation de moins bien respirer. Par contre, la saturation en O2 est la même, ainsi que la fréquence cardiaque.

La conclusion de cet article est juste mais elle signifie : il est inconfortable de porter un masque lors d’un test d’effort. Tout ça pour ça.

 

Dernier article…

 

Le masque entraîne maux de tête, les yeux et le nez secs et même… de l’acnée !!!!!!!!!

Cet article a été publié dans Indian Journal of Otolaryngology and Head & Neck Surgery, impact facteur de 0,42.( Par quel miracle ces journaux ont ils l’argent pour rester à flots ? Ça coûte cher quand même un journal…)

Dans cette étude menée sur 300 personnes utilisant un masque N95 (ffp2), les auteurs ont demandé via un questionnaire en ligne s’ils portaient un masque et les symptômes qu’ils avaient.

Voici les résultats. Les auteurs expliquent que l’environnement chaud et humide de la région où l’étude a été faite, combiné au port du masque favorise l’apparition de ces effets (en particulier pour l’acnée). Le masque mal porté pourrait être également une raison d’après eux.

Pas grand chose à dire de plus, si ce n’est encore une fois qu’on est dans des problématiques de l’ordre de l’inconfort plus que des vrais problèmes de santé. Alors oui, on préfère tous le confort à l’inconfort, mais de là à remettre en cause la santé publique…

Pour finir, j’ai creusé un peu plus pour voir si je trouvais autre chose et je suis tombé sur un article très intéressant.

 

Le masque nous fait inspirer une quantité de CO2 au-delà des limites autorisées partout dans le monde !

 

Ce dernier article est parfait pour parler de méthodologie, en l’occurrence de mauvaise méthodologie. Il a été publié dans Aerosol and Air Quality Research, un journal avec un facteur d’impact à 2,7, ce qui reste correct paradoxalement. Le titre de l’article est « Effect of wearing Face masks on the Carbon Dioxide Concentration in the breathing zone »

Cet article a tout de même une particularité, il a été fait par un seul auteur qui était également le sujet d’expérience. De base, méthodologiquement, c’est non seulement léger mais aussi inopportun. Il y aurait tant à dire, alors passons.

Le but de cette étude est de mesurer la quantité de CO2 dans la zone de respiration du masque en fonction du type de masque. Pour information, la quantité normale de CO2 dans l’air est d’environ 500 ppm. Au-delà de 10000ppm inspirés, des problèmes d’ordre neurologiques se manifestent.

Pour faire les mesures, l’auteur s’est donc collé un tuyau sur l’arrête du nez, permettant de pomper l’air et de l’envoyer dans un appareil de mesure du CO2. Je vous invite à voir les photos de l’article, elles sont en accès libre (c’est bien trouvé). Il a fait cela au repos et à la marche sur un tapis.

Voici les résultats de la marche (pas de grosse différence avec le travail de bureau)

 

Ces mesures sont très intéressantes. Pour commencer, sans surprise, le port du masque augmente la quantité de CO2 dans la zone respiratoire. Mais allons plus loin dans l’analyse. Si vous observez les variations de mesure, vous pouvez voir que sans masque, elles sont très faibles peut-être une vingtaine de ppm en moyenne. Avec le masque, c’est variation pour certaines sont de 1500 ppm. Ceci indique que cette concentration varie beaucoup en fonction de la phase respiratoire.

Il y a donc une vraie question qui se pose sur combien de CO2 est réellement inhalé.

Ensuite, malgré cela, on tombe sur une concentration de 3000 ppm maximum possible. Ce qui est bien inférieur au 10 000. Par contre, l’auteur parle de syndrôme que je ne connaissais pas, le « sick building syndrom ». Dans un immeuble, les émissions de CO2 augmentent environ dans les mêmes proportions que l’augmentation des odeurs de transpiration. Vous connaissez tous cette odeur de geek quand vous rentrez dans une pièce pleine d’informaticiens ? Dans ce cas, le taux est de 1000 à 2500 ppm et cela peut provoquer de légers maux de tête et de faire perdre sa concentration.

L’auteur conclut en disant que le port du masque n’avait pas d’effets toxiques mais que pour certaines personnes, ces niveaux pouvaient provoquer des pertes de concentrations gênantes.

Il est donc légitime de poser la question de savoir si une telle concentration dans le masque peut induire ces phénomènes surtout si on peut être à 3000 ppm dans la zone respiratoire.

Mais creusons un peu plus. En repartant de ces résultats, et en prenant le pire des cas, soit 3000 ppm de concentration. Le volume respiratoire du masque est d’environ 100 ml pour faire simple (c’est moins en vérité). On a donc 100 ml à 3000 ppm max. Or, lors d’une inspiration, au volume courant, on inspire 500 ml. Donc 100 ml à 3000 ppm et 400 ml à 500 ppm. Par conséquent, la concentration réelle de CO2 inspirée à chaque fois sera après calcul de dilution :

3000 ppm * 100 ml + 500 ppm * 400 ml = 500 ml * x ppm

x= 640 ppm dans 500 ml uniquement !

On est donc bien en dessous de la barre des 1000 et à peine plus haut que la concentration normale de CO2 dans l’air. Cet article montre donc paradoxalement grâce à ces mesures certes imprécises que la quantité de CO2 inhalé est finalement négligeable par rapport à la normale…

 

Mon analyse sur les masques

 

Au vu de la littérature, le port du masque n’est pas dangereux pour la santé. Tout au plus, certains effets secondaires inconfortables peuvent se faire ressentir mais aucun danger vital. Si on prend l’intérêt là-aussi décrit pour réduire la transmission virale, du moins en intérieur, le port du masque semble avoir un ratio bénéfices/ risques en sa faveur évident si l’on s’appuye sur l’ensemble de ces études.

De plus, comme on l’a vu ici, les quelques études qui décrivent une problématique masque ne sont soit pas très solides, soit confirment qu’il n’y a que des effets de l’ordre de l’inconfort.

Donc, en rejetant l’hypothèse que l’ensemble des chercheurs de la planète ont été payés pour dire du bien des masques (dans ce cas, j’attends toujours ma prime), mon avis sur la question est tranché au vu des éléments actuels en terme de bénéfices/ risques.

Mon métier, c’est la biologie. Il y a peut-être des effets néfastes d’ordres psychologiques, sociologiques ou autres. Il y a même certainement des considérations politiques. Ces considérations sont de mon point de vue légitimes mais ne doivent pas s’appuyer sur des mensonges sur la biologie pour être justifiés. C’est alors confondre opinion (politique) et connaissance (scientifique). Et cette confusion résulte soit d’une totale incompréhension de la construction de la connaissance, soit d’une grande mauvaise foi au service d’un but précis, ou des deux. Par exemple, pas besoin de dire qu’il y a un risque sur le cerveau pour justifier que ça fait chier tout le monde de devoir porter un masque toute la journée. Plus sérieusement, il est probablement important d’évaluer l’impact du masque sur l’apprentissage de la langue chez les jeunes enfants. Mais c’est un autre sujet.

 

Une hypothèse sur les effets secondaires des masques

 

Personnellement, j’ai découvert dans le port du masque une vraie opportunité. Celle de travailler ma respiration. Une mauvaise respiration ne pardonne pas avec le port du masque. En particulier, respirer par la bouche humidifie beaucoup trop la zone respiratoire. J’ai rapidement troqué le masque chirurgical pour du FFP2 qui entraînant une résistance supérieure faisait travailler encore plus… Je n’ai jamais eu le moindre symptôme décrit comme inconfortable avec le port du masque.

Néanmoins, cela m’a donné à réfléchir sur les effets secondaires. La plupart des gens respirent mal. Le masque met ces défauts en exergue. Si on regarde les effets décrits par les gens portant le masque, on peut retrouver quasiment les mêmes chez ceux qui ont une respiration buccale, thoracique ou qui hyperventilent. Chez ces gens-là, il va certainement y avoir un soucis.

Mais justement, c’est l’occasion d’en prendre conscience !

Note de Sébastien : «  La légère résistance que le masque oppose est une opportunité pour prendre conscience de l’utilisation du diaphragme. La légère augmentation de l’exposition au CO2 est une opportunité pour travailler sur la tolérance au CO2 et contrer l’hyperventilation chronique.

 

Conclusion

 

Le but de cet article était certes de parler du masque (un peu) mais surtout de montrer l’importance de correctement analyser les articles en fonction d’un contexte et avec un regard critique sur les expériences.

Lire un résumé qui est forcément partial n’est pas suffisant. Seule une analyse de plusieurs sources peut donner une vraie idée. J’espère que vous avez pu ainsi voir la démarche que j’ai utilisée pour analyser une partie de la littérature sur les masques. La même chose pourrait être fait sur les vaccins d’ailleurs (et je ne sais pas ce qui en ressortirait puisque je ne l’ai pas fait, donc je n’ai pas d’avis construit sur la question),

Enfin pour terminer, ce débat me fait penser qu’il y a un vrai problème à la tolérance à la frustration et à l’inconfort. Ce débat sur les masques est vraiment éclairant là-dessus. En fait, la question pertinente à se poser selon moi n’est pas est-ce que les masques sont bons ou mauvais mais plutôt pourquoi cela génère autant de tensions chez les gens…

N’hésitez pas en tous cas à donner votre avis et à poser vos questions en essayant de rester sur du factuel…

A bientôt

Yvan