Depuis l’explosion de la méthode Wim Hof, on trouve un peu partout que la respiration Wim Hof stimule le système immunitaire. C’est quasiment devenu une banalité dans le milieu de la respiration. Pourtant, est-ce vraiment le cas? Pour répondre à cette question, je vais revenir sur l’article qui a crée cette information et faire une revue sur les travaux effectués par le groupe dont est issue cette étude.

Le groupe qui a étudié Wim Hof est le groupe de Peter Pekkers de l’université de Radboud aux Pays-bas et l’auteur de l’article qui a ensuite continué dans sa lancée est Matthijs Kox. L’une des thématique de ce groupe est l’étude de l’inflammation lors des infections bactériennes et par extension le système immunitaire innée. Dans cet article de blog, je vais essayer de retracer l’historique de cette thématique qui croisera la route de Wim Hof et voir jusqu’où elle mène. Je vais évidemment vulgariser au maximum mais si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires!

Un intérêt pour la respiration et la variabilité cardiaque dans la réponse à l’inflammation (2011)

Le groupe de Pekkers en Hollande travaille sur la réponse inflammatoire entre autres. Parmi eux, un chercheur M. Kox a dès 2011 posé des questions intéressantes sur le lien entre le système nerveux et cette réponse anti-inflammatoire. C’est ainsi qu’en 2011, il publie deux études.

La première porte sur l’interaction entre le taux de variabilité cardiaque (voir l’article sur la cohérence cardiaque si vous voulez en savoir plus) et la réponse inflammatoire. La seconde sur l’influence de différents motifs respiratoires sur le taux de variabilité cardiaque lors d’une exposition à une endotoxine.

1/  Une corrélation existe entre taux de variabilité cardiaque et réaction inflammatoire.

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Le système nerveux autonome et la réponse inflammatoire sont très liés, ce qui est connu depuis longtemps. Or, le taux de variabilité cardiaque est un marqueur largement utilisé pour mesurer l’activité du système nerveux autonome. La question posée dans cette étude était donc de savoir si ce taux de variabilité cardiaque était un bon indicateur pour mesurer l’intensité de la réponse inflammatoire.

Pour cela, l’expérience montée consistait à administrer à 12 volontaires sains une endotoxine (le LPS pour lipopolysaccharide issu d’une souche pathogène d’Escherichia coli), à deux semaines d’intervalle. Ce protocole est couramment utilisé dans cette équipe de recherche pour déclencher une réponse inflammatoire. Le taux de variabilité cardiaque (hrv) a été mesuré avant injection puis après. De même, des marqueurs d’inflammation ont été mesurés tout au long de l’expérience.

Les résultats de cette expérience ont été que la modification du hrv n’est pas corrélée à l’intensité de la réaction inflammatoire. En effet, lors de la deuxième injection, les sujets ont présenté une réaction inflammatoire plus basse qu’à la première (mesurée grâce aux marqueurs d’inflammation) mais la variation de la hrv était la même dans les deux cas. Ainsi, la hrv n’est pas un bon indicateur de l’intensité de la réponse immunitaire. Néanmoins, cette expérience montre que la réponse inflammatoire entraîne un changement de la hrv.

Ce qui est intéressant, c’est que la hrv est modifiable également par la respiration comme le montre les études sur la cohérence cardiaque. Kox a donc ensuite testé l’influence de différents motifs respiratoires sur cette hrv en cas d’inoculation par l’endotoxine. Ceci a fait l’objet d’un second article.

2/ L’influence de motifs respiratoire sur la hrv et leur reproductibilité en cas d’endotoxémie chez l’humain

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Dans cet article, Kox s’est intéressé à l’influence de divers motifs respiratoires sur la hrv au cours de l’administration d’une endotoxine. Dans son article précédent, il a observé que l’endotoxine diminue largement la hrv et la rend instable. Il a cherché dans cette étude à savoir si des motifs respiratoires particuliers permettent de stabiliser cette hrv et la modifie lors de la réaction inflammatoire.

Là encore, le même protocole d’injection est effectué sur les sujets. Cette fois, trois protocoles respiratoires sont expérimentés. Le premier est le contrôle avec une respiration non contrôlée. Le deuxième est une respiration guidée par un métronome à un rythme « normal ». Le troisième enfin est rythmé par un métronome mais à 150 % du rythme normal (semi-hyperventilation). Les conclusions ici étaient assez décevantes puisqu’aucun de ces rythmes respiratoires ne modifie la hrv ni sur l’intensité, ni sur la reproductibilité durant la réponse inflammatoire. Ceci lui a permis tout de même de montrer qu’il est inutile de contrôler la manière de respirer pendant ce type de protocole.

Comment modifier la réponse inflammatoire via le système nerveux autonome et quelles sont les conséquences (2012-2013)?

La hrv n’était pas un bon indicateur en tant que marqueur de l’inflammation mais par contre montre que le système végétatif réagit. Les protocoles respiratoires qu’il a utilisé n’influe pas cette hrv durant l’inflammation. Comment alors influer sur cette réponse inflammatoire? la première piste qu’il a suivi a été de stimuler le nerf vague durant l’inflammation. Pour cela, il a réalisé l’expérience chez des rats inoculés par la même endotoxine. Là encore, les résultats ont montré que la stimulation du nerf vague n’avait pas d’effet sur l’inflammation. Par contre, une stimulation mécanique de la ventilation du rat augmente la réaction inflammatoire.

C’est à ce moment là qu’il décide de monter une expérience sur Wim Hof. Dans cette expérience, il lui injecte l’endotoxine et il a mesuré le niveau des marqueurs de l’inflammation avant et après 80 minute immergé dans la glace. Les résultats ont été comparé à une cohorte historique de 112 sujets. Ces marqueurs étaient très atténués chez Wim Hof. En particulier, les quantités de cortisol et les catecholamines retrouvées dans le sang étaient très supérieures à ce qui avait été vu jusque là. Enfin, les marqueurs de l’inflammation étaient extrêmement bas. La conclusion de son étude est que la technique employée par Wim Hof permet d’avoir une réponse contrôlée au stress. cette réponse est caractérisée par une activation du système nerveux orthosympatique et par conséquent d’une surproduction de cortisol et de catécholamines (hormones de stress). Cette activation semble atténuer la réponse immunitaire innée pour la partie inflammatoire.

Un an plus tard, en 2013, l’équipe sort un article intéressant qui s’intéresse à l’effet de l’inflammation sur la douleur. Trois stimuli ont été testés: douleur de pression, douleur électrique et le froid. Sur ces trois tests, par rapport à un groupe contrôle, le groupe inoculé par la toxine voit les seuils de la douleur électrique et de la douleur de pression réduits lors de l’inflammation. Autrement dit, les gens avaient plus mal. Pour le froid, sous inflammation , la douleur devenait insupportable et les tests n’ont pas pu être finalisés sur les sujets traités… L’inflammation rend donc plus sensible à la douleur.

Une activation volontaire du système nerveux autonome permet d’atténuer la réponse immunitaire innée chez l’humain (2014-2015)

C’est en 2014 que sort l’étude qui a fait reconnaître l’approche de Wim Hof. Dans cette étude, Kox s’intéresse toujours à la modulation de l’inflammation et à ses effets. En fait, cette étude valide en quelque sorte la démarche que l’équipe a eu depuis 2011. Dans cet article, suite à l’article de 2012 sur Wim Hof, plusieurs volontaires sont recrutés pour être traités avec l’endotoxine et à pratiquer ou non l’approche de Wim Hof. En effet, dans l’article de 2012, Kox a pu voir que cette approche permettait de suractiver l’activité du système nerveux autonome.

Les sujets ont été entraînés pendant 10 jours à la méditation, l’hyperventilation façon Wim Hof et l’exposition au froid. Après ces dix jours, l’endotoxine a été injectée. Le résultat a été que le groupe traité ne présentaient quasiment pas de symptômes. Par contre, une plus grande quantité d’adrénaline était présente dans le sang et des marqueurs d’inflammations étaient plus bas. Ceci montre donc que l’on peut volontairement influer sur le système immunitaire innée en suractivant le système nerveux orthosympathique.

Ceci est en accord avec une étude d’un autre groupe en 2012 qui montre également que un pic d’adrénaline amène la plupart des cellules de l’immunité dans le sang lors d’un pic de stress. ceci permet de plus rapidement neutraliser une molécule toxique.

La méthode Wim Hof, en faisant déclencher un pic d’adrénaline régulièrement stimule donc l’activité du système immunitaire inné et diminue l’inflammation.

En 2015, un autre article est venu prolonger l’étude précédente. Dans cet article, ils s’intéressent plus spécifiquement à l’aspect psychologique de la réponse physiologique. En particulier, le rôle d’un optimisme global ou d’un pessimisme global contre un conditionnement pour un objectif précis sur le système nerveux végétatif et sur la réponse immunitaire innée induite par l’endotoxine. Les résultats étaient qu’un état d’esprit optimiste général était mieux qu’un conditionnement sur objectif et bien mieux que le pessimisme sur ces paramètres biologiques.

Les effets de l’hypoxie sur l’immunité (2015-2018)

Après avoir montré cet effet, l’équipe s’est intéressée aux conséquences de  sur l’immunité. Dans un premier article, l’effet de l’hypoxie sur le système immunitaire a été étudié sur des patients en état critique. Les résultats sont assez mitigés mais il est clair qu’il y a une synergie entre hypoxie et inflammation utile pour gérer des patients malades. Le deuxième article porte sur l’effet de la noradrénaline lors des septicémies. Il semble que la production de cette hormone aggrave les septicémies en ayant un effet immunosuppresseur et en favorisant la croissance du pathogène.

En 2018, une suite à cette étude a montré que la noradrénaline provoque des dommages aux entérocytes qui sont détruits et qui peut aller jusqu’à la destruction d’organes. Quant à l’hypoxie, une seconde étude a montré en 2018 qu’une hypoxie à court terme augmente l’inflammation chez des patients malades. Pourtant en 2019, une autre étude montre que l’hypoxie atténue une forme induite d’inflammation.

Conclusion

Aujourd’hui, je n’ai pas trouvé d’autres études en lien avec la méthode Wim Hof. Par rapport au groupe de Kox, il continue à travailler sur l’inflammation. Quelles conclusions peut-on tirer de ces travaux? Premièrement, il apparaît clairement que la méthode Wim Hof diminue l’inflammation en ayant un effet immuno-supresseur sur l’immunité innée.

Quelle est la part du froid, de la respiration ou de la préparation mentale? Difficile à dire. Il semble que la préparation mentale potentialise l’effet d’après l’étude de 2015. La part du froid ou de la respiration? Les deux doivent se combiner par rapport à l’inflammation. Que ce soit le froid ou la respiration, il y a un déclenchement de stress donc une production d’adrénaline. Il semble que cela provoque aussi un niveau basal de noradrénaline qui lui peut être très gênant en cas d’infection réelle. Certaines études montrent que d’autres types de respiration ont par contre un effet sur des infections. Je reviendrai dessus dans un autre article.

Que retenir? Est-ce que l’hyperventilation ou le froid améliore le système immunitaire? Non, ils l’atténuent. Est-ce qu’il diminue l’inflammation? Oui totalement et cela peut avoir des applications très intéressantes. Est-ce que l’hyperventilation et le seul moyen de diminuer l’inflammation? Clairement non, et je reviendrai dessus dans un autre article!

A bientôt

Yvan