Si je vous dis que le stress, fumer, manger mal, une faible activité physique ou mal respirer raccourcissent votre espérance de vie je vous surprend? Probablement pas. Par contre, si je vous dis que respirer correctement allonge cette espérance de vie me croirez-vous? C’est pourtant ce qu’il ressort d’une revue de la littérature scientifique sur l’effet du Yoga, et en particulier de la composante pranayama (autrement dit la respiration) sur le vieillissement. Mieux, l’impact de la pratique semble se situer au niveau cellulaire! C’est ce dont je vais parler dans cet article.

Une revue originale du rapport entre vieillissement cellulaire et yoga

Cet article écrit par Mrithunjay Rathore et Jessy Abraham est une revue de la littérature scientifique disponible sur les liens entre yoga et vieillissement cellulaire. Il a été publié par le journal International Journal of Yoga. J’ai été étonné de constater que non seulement c’était un journal à comité de lecture mais qu’en plus, son facteur d’impact est tout de même honorable avec un 1.20. Ce qui en fait un journal totalement respectable. Pour avoir fouillé un peu, les articles sont de bonnes qualités et tournent autour des sciences de la vie qui s’intéressent à comprendre le Yoga.

Cette revue de littérature s’intéresse à un point assez particulier. En effet, elle s’intéresse au vieillissement cellulaire et plus particulièrement au vieillissement des chromosomes. Pour cela, les auteurs ont réuni les publications qui ont cherché à comprendre comment les télomères, extrémités des chromosomes, sont influencés par la pratique du pranayama.

Les télomères: un marqueur de vieillissement de l’ADN

On appelle télomères des petites séquences répétées d’ADN que l’on trouve à l’extrémité des chromosomes chez tous les vertébrés. On les compare parfois au bout de plastique à l’extrémité des lacets de chaussure puisqu’elles ont à peu près le même rôle: protéger les lacets pour pas qu’ils soient rognés par l’usure à l’extrémité. Ces télomères sont un marqueur du vieillissement cellulaire. En effet, une cellule se divise au cours de sa vie. Pour cela, elle copie son ADN et lors de la division, les deux cellules filles récupèrent normalement un ADN strictement identique. A un point près, les télomères. Chaque division cellulaire raccourci la longueur de ces télomères. Par conséquent, plus on vieillit, plus les télomères que l’on trouve dans nos cellules sont courts.

Il existe une enzyme qui synthétise ces télomères: la télomérase. Toutefois, l’expression génétique de cette enzyme est réprimée dans les cellules somatiques dès la naissance. Ceci empêche les télomères de se rallonger avec le temps si bien que lorsqu’ils deviennent trop courts, l’ADN chromosomique commence à être dégradé.

Les effets de l’environnement sur les télomères

Comme je l’ai dit juste avant, les télomères se raccourcissent à chaque division cellulaire. Toutefois, ils sont également affecté par l’environnement. En effet, les télomères sont sensibles au stress oxidatif généré par la présence de radicaux libres oxygénés. Ainsi, la fumée de cigarette, la pollution mais aussi une faible activité physique ou une mauvaise alimentation augmente la quantité de radicaux libres oxygénés ce qui altèrent les télomères.

De même, le stress et l’anxiété affecte la longueur des télomères. Pourquoi? Parce que physiquement, le stress provoque une plus mauvaise oxygénation des tissus, favorisant l’apparition de radicaux libres. De plus, il provoque une respiration thoracique ce qui entraîne trop d’oxygène dans le corps et donc favorise l’apparition de radicaux libres également…

Lorsque les télomères sont affectés, ils se raccourcissent et deviennent structurellement instables. Cette instabilité a été corrélée avec des maladies de type diabète, obésité, problèmes cardiaques ou cancer. Les maladies psychiatriques ne sont pas en reste. En effet, il semble aussi y avoir un lien avec la dépression, l’anxiété, la bipolarité, la schizophrénie…

La bonne intégrité des télomères est donc un facteur important de bonne santé.

Les effets positifs de l’environnement sur les télomères

Heureusement, l’environnement semble également avoir des impacts positifs sur les télomères. Ceci est une connaissance assez récente. Ainsi, plusieurs études s’intéressant à l’effet d’un mode de vie sain ont montré qu’il ralentit le raccourcissement des télomères. En particulier, en diminuant le stress oxidatif, les télomères ne subissent pas de raccourcissement prématuré. Il y a donc moins de maladies liées au raccourcissement des télomères et un allongement de l’espérance de vie.

Parmi les pratiques favorisant un mode de vie plus sain, le yoga a rapidement était sous le feu des projecteurs. Dans le Yoga, une partie plus précise a été grandement étudiée, le pranayama, autrement dit la pratique de la respiration. Dans cette revue, c’est donc l’effet de ces pratiques sur la stabilisation des télomères qui a été étudié.

Effets du yoga en général sur les télomères de patients malades

Les premières études qui ont montré l’effet de la pratique sur les télomères ont été réalisées sur des patients malades. Chez des groupes atteints de cancer de la prostate ou du sein, les télomères raccourcissent moins voir deviennent plus long de façon significative par rapport à des groupes contrôles. Malheureusement, ces études ne différenciaient pas la pratique respiratoire de la pratique gymnique ou méditative. On ne connait donc pas exactement la cause de l’arrêt du vieillissement cellulaire.

Par contre, une étude n’a trouvé aucune différence chez des patients atteints de cancer du sein soumis à un programme ne se basant que sur la méditation. Cette étude orienterait donc la piste soit vers le pranayama soit vers le travail physique (ou les deux).

Effets du yoga sur des sujets sains

Dans une autre études, les auteurs ont comparé les marqueurs de stress oxydatifs et la longueur des télomères de leucocytes chez des pratiquants réguliers de yoga et un groupe contrôle du même âge et en bonne santé. Ils ont déterminé que le groupe yoga présentait de marqueurs d’oxydation moindre que le groupe contrôle et des télomères plus long.

Malheureusement, là encore, l’étude n’a pas fait la différence entre les pratiques. Toutefois, le yoga diminuant le stress oxydatif, les télomères sont mieux protégés.

Enfin, d’autres études se sont intéressées à l’effet de méditation traditionnelle bouddhiste sur des sujets sains. dans ce cas, une différence a été observée sur la longueur des télomères avec le groupe contrôle. Toutefois, un point intéressant, dans ces méditations, il y a une forte composante respiratoire comparé à la mindfullness. La piste de la respiration est donc intéressante.

L’impact de la pratique sur la télomérase

La télomérase est l’enzyme responsable de la synthèse du télomère. Son activité permet de rallonger les télomères mais aussi de les stabiliser ou les réparer. Plusieurs études se sont donc intéressées à son activité après l’entraînement. De façon intéressante, que ce soit en yoga, pranayama ou méditation, toutes ces activités augmentent l’activité de la télomérase. Combiné à une diminution des ROS, l’activité de la télomérase stabilise les télomères et donc diminue leur raccourcissement.

Très intéressant aussi, des auteurs chez une population de dépressifs ont comparé les effets de la pratique du yoga kundalini où la respiration est centrale avec de la relaxation/ mindfulness. L’activité de la télomérase était augmentée de 43 % par rapport à la méditation/ relaxation qui a augmenté l’activité de 3% … Il y a une corrélation nette entre augmentation de guérison de la dépression et pratique du Kundalini.

Le mécanisme d’action des pratiques sur la télomérase

Selon les auteurs de l’article, il y a un point commun aux différentes formes de pratique de Yoga, la respiration diaphragmatique. De base, cette respiration diminue la quantité de radicaux libres oxygénés voir même, stimulerait l’activation d’enzymes dégradant ces radicaux libres. Chez la levure,  l’augmentation de la consommation d’oxygène diminue les radicaux libres. Or, la respiration diaphragmatique, comme on a pu le voir sur ce blog dans la respiration Buteyko, favorise la consommation d’oxygène au lieu de son stockage. Les Asanas (exercices gymniques couplés à la respiration étirant énormément les muscles en les oxygénant) et le pranayama favorisent donc cela.

De plus, une étude spécifique sur l’effet de la respiration Vipassana et une autre sur la respiration diaphragmatique en général et les radicaux libres oxygénés ont montré que le niveau de radicaux libres baissent avec ce type de pratique en 30 minutes par jour.

Enfin, le pranayama change nos perceptions physiques et mentales de l’environnement extérieur et donc favoriserait le maintien des télomères.

Conclusion

Cette revue montre une corrélation positive entre le yoga et plus particulièrement la respiration du Yoga, diaphragmatique, avec l’état des télomères. Cette corrélation est intéressante. En effet, notre bonne santé en vieillissant dépend de la longueur des télomères.

Visiblement, l’élément majeur sur lequel nous jouons lors des exercices respiratoires est la quantité de radicaux libres oxygénés qui diminue. Or, de part leur composition, les télomères sont très sensibles au stress oxydatif.

Avoir une meilleure hygiène de vie permet donc de protéger nos télomères et de vieillir mieux et vivre plus longtemps. La pratique du yoga mais de la respiration diaphragmatique en général est un accès facile à ces bienfaits. Les limites de ces observations sont tout de même le faible nombre d’études. Néanmoins vu les bénéfices, il est important de s’y intéresser.

Enfin, pour un généticien comme moi, voir un effet de pratiques ancestrales sur l’ADN est quelque chose d’assez superbe…

A bientôt

Yvan