Dans la croyance commune, il faut respirer profondément et expirer longuement par la bouche. Or, pour certains, c’est une hérésie. Pourquoi? Parce qu’ainsi, on perd notre CO2 ce qui paradoxalement nous empêche de bien assimiler l’oxygène.

La méthode Buteyko est une méthode d’apprentissage respiratoire fondée par le Dr. Konstantin Buteyko. C’est à l’heure actuelle en ce qui me concerne la méthode la plus intéressante de respiration pour la santé générale. Le docteur Buteyko est le premier à avoir posé l’hypothèse que globalement on ventile trop. On notera la nuance entre ventiler et respirer. Sa méthode vise donc à réguler la ventilation pour améliorer la qualité de la respiration en gardant le CO2. C’est ce que je vais développer dans cet article.

 

Le Dr. Konstantin Buteyko

 

Konstantin Buteyko est né en 1923 en Ukraine. Il suit des études de médecine en 1946 à Moscou. Durant ses études il travaille sur le suivi de patients atteints de déficits respiratoires. Son travail consistait alors à rester assis à côté du lit de patients et d’enregistrer leurs motifs respiratoires et parfois jusqu’à leur mort. Durant ces observations, il s’est aperçu que les patients respiraient toujours de la même manière à l’approche de leur mort, en utilisant une respiration de plus en plus profonde. Ses analyses devinrent tellement précises qu’il était capable de prédire combien de jours ou d’heures il restait au patient en fonction de son motif respiratoire. Les motifs respiratoires deviendront alors son principal sujet d’intérêt.

Buteyko obtint son diplôme de médecine avec en 1952. Il continua ses recherches en tant qu’indépendant. Buteyko demanda alors à des patients sains de respirer pendant un long moment avec des respirations profondes. Il s’aperçu que ces patients développaient avec le temps des symptômes suggérant une asphyxie. Parmi les symptômes, paresthésies, toux, nausées, perte de connaissance. L’hyperventilation en accumulant de l’oxygène dans le sang venait saturer le cerveau. On parle d’ailleurs bien d’hyperventilation avec des respirations seulement profondes!

 

Premières observations liant CO2 et pathologies

 

Dès le second mois de recherche, il observa que l’apparition de certaines maladies se corrélait avec cette respiration profonde. Lui-même souffrait d’hypertension et en mesurant son niveau de CO2, il s’aperçut qu’il était plus bas que le niveau recommandé. Il était déjà connu que l’hyperventilation diminuait la quantité de CO2 dans le sang. Il théorisa donc que si l’hyperventilation le diminue, en ventilant moins, les niveaux de CO2 remonteraient. Ceci pourrait donc guérir la pathologie. 

Sa logique était donc de corréler le niveau de CO2 avec diverses maladies et son hypothèse de travail était que réguler le niveau de CO2 permettrait de restaurer la santé. Le moyen le plus simple de faire était de changer la manière de respirer.

La démonstration de l’hypothèse de travail

 

Buteyko avec son groupe de patients eut l’opportunité de tester son hypothèse de travail. Il mesura donc les niveaux de CO2 de ses patients pour les corréler avec les pathologies qu’ils présentaient. Parmi ces pathologies, on retrouve l’asthme, les angines… En plus de cela, il put également déterminer qu’au niveau respiratoire, les patients atteints de ses pathologies et présentant un faible niveau de CO2 ventilaient trop. Ainsi, il testa la correction de la respiration pour faire remonter les niveaux de CO2. A ce moment-là, les crises et les pathologies disparaissaient. Si il demandait aux patients de revenir à leurs anciens motifs respiratoires, alors les crises revenaient. Ce type de maladies étaient donc directement liées à la manière de respirer.

Buteyko tenait la une avancée médicale majeure qui remettait en cause la vision médicale classique (qui n’a d’ailleurs toujours pas bougé aujourd’hui…). Le fait que la manière de respirer influe directement sur la santé est d’une importance capitale puisque totalement inconnu du grand public et négligée par la médecine.

La méthode Buteyko

 

La théorie de Buteyko peut ainsi être formulée. L’hyperventilation provoque une baisse du CO2 sanguin. Le faible niveau de CO2 entraîne un spasme des vaisseaux sanguins qui entraîne une diminution de l’apport d’oxygène dans les tissus. A cela, on peut également rajouter que l’effet Bohr est moins performant avec moins de CO2 et donc que l’oxygène se libère moins facilement dans les tissus. Le corps alors en stress déploie des mécanismes de défense qui sont alors définis comme des maladies. Ainsi, arthrose, asthme, hypertension, angine de poitrine, toutes ces maladies pourraient être favorisée par une contraction des vaisseaux sanguins causée par le manque de CO2.

Globalement, cette manière de voir les choses étai simplement inadmissible puisque tout le monde cherche à respirer profondément. Toutefois, certains chercheurs, dont Bohr, avaient fait des observations allant dans ce sens. Entre parenthèse, cette manie de respirer profondément est en fait une mauvaise compréhension de nombreuses pratiques respiratoires qui confondent respirer profondément et ventiler profondément. On y reviendra.

 

La respiration correcte selon Buteyko

Comme on peut le voir sur ce schéma, la bonne respiration selon Buteyko est d’expirer plus qu’on inspire et de faire une pause respiratoire à l’expiration. Un cycle respiratoire se rapproche par conséquent des 10 secondes. Ce type de respiration est rendu possible par le fait d’avoir les muscles de la chaîne respiratoire bien détendu laissant le diaphragme travailler sans gêne.

On remarquera que ce nombre de cycles par minute est proche de la cohérence cardiaque et est également le nombre de cycle que les humains avaient au début du XXieme siècle… Buteyko propose donc seulement de respirer « naturellement ».

La difficulté à faire accepter un nouveau paradigme

 

Faire accepter un nouveau paradigme quelque chose à la communauté scientifique est difficile. Le faire accepter à la communauté médicale, c’est encore pire. Buteyko tenta plusieurs fois d’obtenir les fonds pour mener une étude clinique. Il échoua plusieurs fois. Ce n’est que dans les années 60 qu’il put enfin le faire. Au cours de cette étude, il eut la capacité de suivre 200 patients et confirma ses théories. Il put ainsi démontrer une relation linéaire entre profondeur de la respiration et niveau de CO2 qui corrélaient avec différentes maladies. Evidemment, la communauté médicale, toujours prompt à camper sur leur position et beaucoup moins à réfléchir, rejeta les résultats en bloc. Néanmoins, certains chercheurs influents réussirent à faire admettre que les résultats étaient suffisamment intéressants pour justifier des investigations plus poussées.

Buteyko et son équipe eurent de nombreux financements leur permettant d’augmenter énormément leur capacité à créer de la donnée, analyser des patients et traiter les résultats. Ceci leur permit de grandir pendant les dix années suivantes. Pendant cette période, 200 médecins furent formés à l’approche Buteyko et plus de 1000 patients souffrant d’asthme ou d’hypertension furent totalement guéris. Malgré ces résultats prometteur, un chirurgien influent décida que c’était plus efficace d’opérer pour obtenir des résultats similaires et une vraie étude clinique fut refusée à Buteyko en même temps que son laboratoire fut fermé.

 

Premiers essais cliniques

 

Sous la pression de journaux locaux et étranger, Buteyko obtint finalement son essai clinique validée sur 50 patients à condition que ce soit les plus compliqués et non traitables par des méthodes conventionnelles. Sur les 50, 44 sont soignés. Néanmoins, les conclusions furent traitées directement par le ministère de la santé russe qui considéra l’étude comme un échec et qui on profita pour fermer le laboratoire de Buteyko. Néanmoins, Buteyko et son équipe continuèrent leur travail et la continuation de leur succès leur permirent d’accéder à un second essai clinique sur l’asthme dans les années 80. Là encore, le taux de succès approcha les 100% et fut cette fois reconnus par le gouvernement. 

Il faut tout de même noter que ces études n’ont pas fait l’objet de publication dans des journaux à comité de lecture. Il faut le garder en tête. Ces résultats ne peuvent donc pas être considérés comme canoniques mais restent à confirmer. Par contre, ce sont des résultats qui devraient mener à débloquer des fonds pour conduire les recherches nécessaires…

La recherche indépendante sur Buteyko

Le problème avec tout ce qui est russe en général et en particulier avec cette période est qu’on ne sait jamais ce qui est vrai, faux, issu de la propagande. Les sources sont finalement assez peu fiables (voir pas fiable du tout). De même, la communauté Buteyko n’est pas une source scientifiquement fiable. Comme toute communauté, l’effet psychologique de la communauté peut directement influer sur les résultats. On retrouve cela dans toutes les pratiques reposant sur une personnalité forte. Et surtout, il n’y a pas moins objectif que quelqu’un qui a trouvé une solution miracle (jusqu’à ce qu’il en trouve une autre). Il est donc intéressant de savoir aujourd’hui ce qui scientifiquement a été fait de façon indépendante sur la méthode Buteyko. 

Si on rejette les journaux obscures et bizarres, après une recherche sur pubmed, on se rend compte qu’il y a finalement assez peu d’études sur Buteyko. Une trentaine seulement, dont la première référencée en 1995. De plus, ces études se focalisent spécifiquement sur l’asthme. La première revue de littérature a été publiée par Bruton, 2005. Elle montre que globalement, les études faîtes entre 1995 et 2005 ont été assez mal conduites. Les auteurs expliquent qu’en plus de cela, il est difficile de normaliser le traitement des patients puisque le traitement est individuel… Tout ce que dit cette revue c’est qu’en l’état, il est difficile de tirer des conclusions.

 

Les premières études intéressantes sur l’asthme

 

Il faut attendre 2008 pour voir une vraie étude intéressante et sérieuse sur le sujet. Cet article de Cowie et al., 2008 utilise la méthode Buteyko en complément du traitement conventionnel de l’asthme. 129 patients de 18 à 50 ans ont été suivis, 64 avec le traitement conventionnel et 65 avec le traitement conventionnel et la méthode Buteyko. Dans cette étude, c’est un instructeur Buteyko qui entrainait les patients. Au départ, il n’y avait aucune différences entre les deux groupes en terme de sévérité de l’asthme et de la prise de corticoïdes pour calmer.

Après six mois, aucune différence significative n’a été observée dans l’amélioration des symptômes. Par contre, le groupe Buteyko a drastiquement diminué la prise de corticoïdes, certains allant même jusqu’à ne plus en avoir besoin. Ce résultat est lui significativement différent de celui du groupe contrôle. Par contre, il n’y a pas de preuves que la quantité de Co2 était plus importante dans le groupe test. Cela dit, la méthode de mesure est peut-être à revoir. De même, la relation entre temps de rétention et CO2 n’a pas pu être démontré. Par contre, il semble que plus la respiration est mauvaise, plus le temps de rétention est faible. Buteyko a donc un effet, par contre, la théorie serait-elle à repenser?

D’autres études sur Buteyko

 

Prem et al., 2013 ont réalisé une autre étude sur l’asthme, comparant approche pharmaceutique, pranayama et Buteyko. Pourquoi le Pranayama? Parce qu’il a également été démontré qu’il avait un effet sur l’asthme. Peu surprenant puisque le pranayama a une logique physiologique proche de Buteyko (même si ce n’est pas la finalité). Cette étude a été faîte sur 120 patients, divisés en un groupe ne faisant que du pharmaceutique, que du pranayama et que du Buteyko. Les résultats ont montré que Buteyko et le Pranayama améliorent plus la qualité de vie et les symptômes que le traitement pharmacologique. Buteyko apparaît encore plus efficace que le Pranayama. Par contre, cette étude ne cherche pas à comprendre le mécanisme de ces respirations. En 2017, Sankar et Das ont réalisé une revue sur l’asthme chez l’enfant . Ils montrent que Buteyko est un avantage certain. 

Que retenir alors? Buteyko semble marcher mais la théorie physiologique qui  sous-tend la méthode n’est pas encore démontrée.

La physiologie sur laquelle s’appuie Buteyko

 

Selon Buteyko, pourquoi sa méthode fonctionne?

Pour comprendre Buteyko, il faut d’abord comprendre l‘effet Bohr. En résumé, l’effet Bohr explique pourquoi le CO2 améliore la diffusion de l’oxygène dans les tissus. Une hypocapnie (baisse de la pression du CO2 sanguin) provoque une hyperventilation. Pour Buteyko, si on respire de façon trop profonde, on augmente l’apport d’oxygène dans le sang mais en même temps, on élimine trop de CO2. Du coup, l’oxygène sature le sang mais ne passe pas dans les tissus et en plus, le manque de CO2 entraîne une vasoconstriction des vaisseaux. Pourquoi? Parce que le corps cherche à ralentir la circulation sanguine pour pouvoir récupérer du CO2 avant son élimination.

Pourtant, la mesure de la pression alvéolaire en CO2 ne montre pas de différence entre des gens avec des mauvais motifs respiratoires et des bons. Il n’y a donc pas de corrélation selon les études entre le CO2 et les temps de rétention que Buteyko a corrélé avec les maladies. Pourtant, les motifs respiratoires eux corrèlent avec les temps de rétention. Pourquoi alors?

Mon opinion actuelle là-dessus est qu’en fait, Buteyko a certainement raison mais que la pression alvéolaire en CO2 n’est pas un bon indicateur en terme de mesure. En effet, c’est le CO2 dans le sang qui donne la mesure de la pression de CO2. Or, dans ces études, on ne mesure pas le pH tissulaire alors que 60-65% de CO2 est dissout sous forme de bicarbonate dans les tissus. Comment alors les mesures peuvent-être comparables? Bref, il manque aujourd’hui beaucoup de données.

Une méthode à tester

 

Voilà en gros des éléments sur la méthode Buteyko. En ce qui me concerne, c’est une méthode très efficace, en particulier au niveau sportif. Buteyko s’approche d’autres types de respirations dans la logique comme la marche afghane ou le pranayama. La théorie qui sous-tend cette méthode semble assez claire. Par contre, les études aujourd’hui, peu nombreuses et assez mal réalisées ne permettent pas de conclure grand chose sur cette théorie. Par contre, la pratique est efficace ne serait-ce que sur l’asthme.

Comment savoir si cette méthode peut vous être utile? Testez vous sur vos temps de rétention. Inspirez et expirez normalement puis à la fin d’une expiration, pincez votre nez et arrêtez de respirer. Dès la première gêne, en gros, le premier mouvement diaphragmatique involontaire, reprenez votre respiration. Cette première inspiration doit être totalement contrôlée, sinon, c’est que vous avez tenu trop longtemps. si vous êtes entre 45 secondes et une minute, votre respiration est bonne. En dessous, vous hyperventilez certainement et vous êtes donc en hypoxie.

Un travail sur votre motif respiratoire et sur vos pauses sera donc intéressant.

Conclusion

 

La méthode Buteyko se diffuse moins que la méthode Wim Hof par exemple. En effet, elle est moins spectaculaire. Pourtant elle apporte énormément à des gens atteints de maladies comme l’hypertension et l’asthme. De même, cette méthode a des applications incroyables pour sportifs de haut-niveau. Depuis le début, elle est critiquée mais pourtant, depuis 50 ans, les évidences allant dans son sens s’accumulent.

Son problème vient du fait que les gens ne comprennent pas l’idée qu’ils respirent trop. Il est contre-intuitif de penser que respirer profondément pourrait en fait être nocif. Pour leur défense, la physiologie respiratoire n’est pas une discipline facile à appréhender.

Pourtant, le problème n’est pas de respirer profondément mais du temps de respiration. Une respiration profonde sur une minute ne provoquera pas un problème d’hyperventilation. C’est pourquoi la respiration naturelle est la respiration à mettre ne place. Essayez donc la méthode, testez-vous (avec le Test proposé sur l’Art de la Respiration) et laissez votre opinion sur la question!

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A bientôt

 

Yvan

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