Historiquement, le domaine de la respiration a plus été exploré par les pratiques spirituelles et de la magie que par les sciences. En effet, longtemps, les sciences ont abordé la respiration comme un bête processus physiologique tandis que les pratiques spirituelles l’ont toujours considérées comme une porte vers autre chose. Ainsi, aujourd’hui, la respiration est surtout pratiquée par des gens cherchant à travailler sur eux. A l’inverse, dans des disciplines comme le sport de haut niveau, la respiration n’est pas traitée en tant que facteur de performance à part entière.
Sur ce blog, malgré son nom, j’ai pris le parti d’aborder au maximum la respiration sous un angle scientifique. Pourquoi? Parce que l’acquisition la plus rapide de compétences nécessite de connaître le chemin pour pouvoir l’arpenter. Evidemment, sans carte on peut arriver dans un endroit sympa, mais la plupart du temps, on se perd.
Cette approcha a néanmoins souvent entraîné des réflexions comme quoi il valait mieux pratiquer, que peu importait la théorie. Venant des arts martiaux, j’ai toujours entendu ce type de réflexion. Et j’ai toujours vu que les meilleurs pratiquants avaient une connaissance profonde de ce qu’ils faisaient. Cependant, la raison principale, que quelqu’un a même parfaitement exprimé : je tue la magie. (Il y a d’autres raisons comme de la paresse intellectuelle, du besoin d’être une sorte d’élu qui serait le seul à savoir et qui ne partage pas, ou de la complaisance dans une forme de médiocrité générale, mais je n’en parlerai pas).
Est-ce vrai ? C’est ce dont je vais parler dans cet article.
La respiration dans les pratiques spirituelles et religieuses
La respiration est toujours un outil d’accompagnement dans les pratiques spirituelles. Des pratiques chamaniques aux religions monothéistes actuelles, des protocoles respiratoires y sont systématiquement associés. L’objet de cet article n’est pas de rentrer dans les détails, nous les verrons ailleurs. Cependant, il y a quelque chose d’important à comprendre, ces protocoles faisaient la plupart du temps partie des pratiques ésotériques de ces croyances. Autrement dit, elles n’étaient pas à la portée du grand public et de la masse des pratiquants. De plus, elles demandaient de la pratique et de l’entraînement.
Parmi les détenteurs de ces savoirs, on avait des moines (plus ou moins guerriers) parfois des prêtres, des chamanes ou sorciers… La raison est simple, ils ont remarqué apparemment depuis longtemps que la respiration permettait de modifier nos états internes jusqu’à atteindre des états de conscience modifiés. La méditation en est un classique, le pranayama un autre. Certaines transes peuvent être également induites par la respiration.
La respiration est donc longtemps restée dans le giron de la spiritualité et de la croyance plus que de la science. Cette tradition se ressent aujourd’hui sur le rapport des pratiquants avec les approches plus cartésiennes de la chose.
La vague du développement personnel
Le développement personnel a permis d’assurer un rôle tenu avant par les religions dans une société où elles sont largement ringardisées. En effet, notre civilisation depuis les lumières a déplacé sa compréhension du monde vers la science, reléguant tout ce qui tourne autour de l’ésotérisme comme de la bête superstition. Il était don cplus politiquement correct de parler de développement personnel, un grand fourre-tout où la logique de base est de mieux se connaître et de s’améliorer, plutôt que de religion. Là non plus il ne s’agit pas de rentrer dans les détails ce n’est pas le sujet. Toutefois, les pratiques du développement personnel ont pioché dans les techniques ancestrales, souvent orientales (mais pas que) pour les sortir d’un contexte religieux et créer une pratique plus moderne. Ces techniques, même hors contexte, permettent en général de constater de grands effets sur soi: « la magie »…
Cependant, il faut garder quelque chose en tête, les gens qui ont pioché n’ont pas eu un accès à la connaissance ésotérique mais plutôt au fast-food touristique. Le gros des respirations ont donc des effets plus proche du fakirisme que du spirituel. C’est gras, c’est sucré, ça suffit à faire plaisir et à ressentir des choses mais ça ne développe pas le sens du goût.
D’ailleurs, il est intéressant de constater que dans la plupart des systèmes dont sont issues les respirations en question, on met l’accent sur le fait que les effets que l’on peut ressentir ne doivent pas capter l’attention. Tout le contraire des pratiques modernes où souvent la finalité est d’obtenir ces effets.
Tuer la magie
N’importe quelle hyène est un tigre en son domaine. C’est exactement l’impression que donne ces bases de pratiques respiratoires. En effet, les effets sont suffisamment impressionnants pour donner l’impression qu’on est arrivé très loin. En fait non… Et, selon mon expérience dès qu’on a cette sensation, il faut tout faire pour s’en dépêtrer et tuer la magie. Autrement, à l’image d’une addiction, la pratique va tourner autour de la recherche de ces sensations qui vont inexorablement décroître avec le temps. Ceci poussera donc le pratiquant à être de plus en plus extrême dans sa pratique. Cette façon de faire est totalement contre-productive pour un développement harmonieux.
Dans tous les systèmes anciens bien faits, il y a un modèle qui permet de ne jamais s’arrêter sur des sensations et d’essayer de les expliquer afin de donner la route pour la suite. Ces sensations sont juste un indicateur que l’on a atteint un point de passage. Pas qu’on est arrivé à destination.
L’approche scientifique permet la même chose. Si on peut l’expliquer, c’est que le phénomène n’a rien d’extraordinaire et qu’il faut passer à la suite. Explorer encore plus les zones cachées par ces sensations fortes. La science permet donc de balayer une grande partie de ce qu’on peut ressentir pour pousser à s’intéresser à autre chose, moins explicable. Tuer la magie devrait donc être une priorité pour reprendre la main sur l’ego (entre autre).
L’apport de la science au travail respiratoire
La compréhension de la physiologie respiratoire et des impacts sur la psyché permet de bien distinguer quels phénomènes dépendent de quoi. Cela permet aussi d’éviter de faire des choses stupides et d’avoir des accidents. La pratique de la respiration n’étant en effet pas anodine.
Parfois, vous tomberez sur des phénomènes vraiment étranges et difficilement explicables. Là il faudra aller creuser. Je ne donnerai pas
d’exemple ici, préférant rester sur une ligne explicative et pratique. Pour le reste, ce sera en cours pratique ou bien plus tard, quand les bases de la compréhension seront là.
Attention cependant, la connaissance scientifique actuelle ne présume en rien de ce qui se passera plus tard. Certaines choses sont solides, d’autres moins, mais elles donnent dans tous les cas des pistes d’exploration. Il ne faut pas les négliger.
Une application simple de la connaissance scientifique de la respiration
Je suis souvent choqué par l’absence totale de structure corporelle de la part de personnes disant enseigner la respiration (yoga, pilates, qi qong…). Or, la simple connaissance de l’anatomie permet de comprendre aisément pourquoi sans structure on ne peut pas respirer correctement ( et encore moins faire autre chose…). J’ai souvent vu plus de structure chez ou un bon chanteur que chez des profs de pratiques basées sur la respiration.
Or, cette structure permet d’augmenter la conscience corporelle, nécessaire pour explorer toutes nos possibilités. C’est un peu comme avoir des jambes capables de supporter un effort avant d’envisage d’aller faire un treck…
Conclusion
Ainsi, de mon point de vue, je ne tue pas la magie je la déplace là où est sa place, dans un but de progression constante. Pour le reste, ma compréhension permet de maximiser la compétence pratique. La théorie ne suffit pas, mais la pratique non plus. L’équilibre entre les deux est ce qu’il faut chercher. Quand l’un prend trop d’importance, il faut basculer sur l’autre.
Attention d’ailleurs au piège de la théorie toute puissante qui fait qu’on ne ressent plus le besoin de pratiquer. Attention aussi à la confiance aveugle aux sensations qui sont aisément prises en défaut comme le montre les neurosciences.
Bref, chercher l’équilibre et n’ayez pas peur de perdre la magie, elle sera toujours là quelque part.
A bientôt
Yvan
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