La méthode Wim Hof est un petit phénomène dans le monde du bien-être et du développement personnel. Elle a permi à de nombreuses personnes de prendre conscience du potentiel de la respiration pour réguler le corps. J’ai déjà écrit ailleurs sur cette méthode que j’ai découvert il y a maintenant plus de trois ans et que je pratique régulièrement depuis. Contrairement aux autres articles que j’ai pu publier, ici, je vais essayer d’entrer en profondeur dans les mécanismes physiologiques impactés sur cette méthode. J’aborderai également l’aspect psychologique qui fait à la fois le succès mais également le point négatif de cette méthode par ailleurs très intéressante.

 

                                                      Wim Hof

 

Wim Hof, l’homme de glace

                        L’homme de glace

 

Wim Hof est un hollandais qui a longtemps fait tomber de nombreux records du guinness book en étant considéré comme un monstre de foire. Parmi ses réalisations, il détient le record du monde de nage en apnée sous glace, un marathon dans le désert sans boire d’eau, la montée du mont everest en short, celle du kilimanjaro en short aussi et sans appareillage, tenir plus de 2h30 dans un bac de glace… Toutes ses réalisations extraordinaires étaient selon lui liées à sa méthode de respiration et d’exposition au froid qui était à la portée de n’importe qui.

La situation s’est subitement accélérée quand une équipe de chercheur de l’université d’Amsterdam s’est intéressé à son cas. Ils l’ont étudié et ont publié un premier article dans une revue à comité de lecture montrant que Wim Hof avait développé des aptitudes peu commune. Ils ont ensuite fait une deuxième étude où Wim Hof en prenant des étudiants et en les formant pendant 5 jours ont été capables d’atténuer la violence de la réponse inflammatoire liée à l’injection d’une toxine bactérienne. La méthode a donc été validée scientifiquement et s’est rapidement popularisée faisant de lui une superstar.

Les grands principes de la méthode

La méthode repose sur plusieurs grands principes à travailler. La respiration, l’utilisation du froid, le conditionnement physique et le travail du mental. Dans les grandes lignes, ces grands principes vont faire en sorte de sortir la personne de sa zone de confort de différentes façons pour l’obliger à s’adapter. La sensation de bien-être immédiate et de performance physique permettent aux pratiquants de se tenir à la méthode et donc de devenir de plus en plus performant.

Cette sensation de devenir soi-même un surhomme permet de créer une communauté très active où chacun peut partager ses expériences et ses réalisations. Bref, tout s’agence parfaitement pour que la méthode soit une superbe expérience.

 

La respiration Wim Hof

Dans le cadre de ce blog, je vais m’intéresser surtout à la respiration Wim Hof. Le protocole respiratoire est le suivant, entre 30 et 40 grandes inspirations, de préférence avec la bouche, suivies d’une expiration passive à chaque fois. Ensuite, sur la dernière expiration, une mise en apnée à tenir jusqu’au premier signe de spasmes du corps pour reprendre de l’oxygène. Enfin, dès l’apparition de ce signe, reprendre une grande inspiration, la plus forte possible et garder une apnée pleine entre 10 et 15 secondes. Ceci est un premier cycle. On répète ensuite au moins deux autres cycles respiratoires de cette façon.

Quelles sont donc les particularités de cette respiration? En gros, l’hyperventilation pendant une quarantaine de cycles respiratoires. L’apnée sert ensuite à reposer le système avant de le redémarrer avec l’apnée pleine.

Hyperventilation ou hyperoxygénation ?

Ceux qui suivent ce blog ont déjà pu lire que hyperventilation ne rime pas nécessairement avec hyperoxygénation. C’est même l’exact inverse qui se passe.

 Pour rappel, l’oxygène est transporté par les globules rouges. Ces cellules sont composées à environ 1/3 d’une protéine appelée hémoglobine. Cette protéine a la particularité de contenir quatre atomes de fer, capable de se lier chacun à une molécule d’oxygène. Cet oxygène est ensuite libéré dans les tissus laissant l’hémoglobine. Lorsque l’hémoglobine est chargée en oxygène, on parle d’oxyhémoglobine. Pour mesurer la saturation en oxygénation du sang, on fait le rapport entre l’oxyhémoglobine et l’hémoglobine toute forme confondue présente dans le sang. Ce rapport est ensuite multiplié par 100 donnant donc un nombre en pourcentage. Un article portera spécifiquement sur l’hémoglobine et la mesure de la saturation.

Classiquement, la saturation normale est entre 94 et 99%. Ceci signifie que presque toute l’hémoglobine disponible est sous forme d’oxyhémoglobine et donc chargée en oxygène. Il faut savoir qu’ainsi, le corps possède théoriquement dix minutes de réserve en oxygène si il n’est pas alimenté. Cette réserve permet de se donner un peu de temps avant que le corps et le cerveau en particulier ne souffre de dommages irréversibles en cas d’arrêt ventilatoire.

Ainsi, l’hyperventilation ne joue pas spécialement sur l’oxygène que le corps est capable d’assimiler. Il n’y a donc pas d’hyperoxygénation.

Les effets de l’hyperventilation : le rôle du dioxyde de carbone

Quel est donc le phénomène enclenché lors d’une hyperventilation ? Pour faire simple, l’action ne se fait pas sur la quantité d’oxygène dans le sang mais sur la quantité de CO2. Le CO2 est considéré souvent comme un déchet métabolique, résultat du métabolisme énergétique. Bien que ce soit effectivement un produit de dégradation du glucose entre autres, le CO2 possède un vrai rôle en tant que régulateur physiologique. Chaque personne produit en moyenne un kilo par jour de CO2 comme vu précédemment. Une telle quantité doit donc être régulée par l’organisme qui va donc y être sensible.

Généralement, il est transporté par l’hémoglobine, en compétition avec l’oxygène bien que ne se liant pas de la même façon. Cependant, une partie importante est convertie en ions bicarbonates qui vont se dissoudre dans le sang et réguler le pH sanguin. Or, le pH sanguin a de nombreux effets, comme la vasodilatation des capillaires sanguins et dans le cas qui nous intéresse la régulation de la ventilation. Ce sont en effet, les quantités de CO2 dans le sang qui active le besoin d’inspirer grâce à des chemorécepteurs qui permettent un déclenchement de la respiration si la pression en CO2 est à plus de 40 mm Hg indépendament de la concentration en oxygène dans le corps.

Par conséquent, en hyperventilant, on diminue le besoin de respirer ce qui permet de tenir plus longtemps en apnée et de faire chuter drastiquement la saturation en oxygène lors de l’apnée. Toutefois, ceci n’est pas sans risque puisque le cerveau n’étant plus oxygéné et le flux sanguin diminuant, des pertes de connaissances peuvent avoir lieu pendant l’apnée alors que l’on se sent très bien. C’est pour cela que la méthode ne doit jamais être pratiquée dans un environnement dangereux.

Ceci est donc la première étape de la respiration Wim Hof : hyperventiler pour faire tomber le niveau de CO2.

L’effet de l’hyperventilation et de l’apnée sur le corps

Lors de la phase d’apnée, le faible niveau de CO2 permet de ne pas respirer pendant longtemps. Néanmoins, un second effet lié à l’effet Bohr a lieu : les tissus sont beaucoup moins oxygénés. Je vous laisse aller voir l’article sur l’effet Bohr pour comprendre pourquoi. Ceci crée une hypoxie généralisée dans les tissus qui sont donc en état de stress. Pendant l’apnée, l’oxyhémoglobine va petit à petit libérer son oxygène (en fonction de la production de CO2 entre autres) faisant chuter la saturation sanguine.

Premièrement, au niveau musculaire, deux phénomènes vont entrer en jeu. L’hypoxie au niveau artériel va créer une vasoconstriction des zones mal oxygénées. Le signal serait peut-être la diminution de radicaux libres oxygénés auxquels les pompes à potassium sont sensibles. En leur absence, ces pompes cessent de fonctionner, entraînant une augmentation du calcium intra-cellulaire qui entraîne une contraction des muscles lisses responsables de la vasoconstriction. Les mains peuvent donc facilement devenir froides.

Pour les autres muscles, l’absence d’oxygène diminue le métabolisme énergétique et donc la production d’ATP. Pour un muscle, l’ATP permet aux fibres musculaires de se détendre. En l’absence d’ATP, elles restent en contraction, ce que l’on observe par exemple lors de la rigidité cadavérique.

Deuxièmement, au niveau neurologique, des centres cellulaires situées au niveau des artères carotidiennes vont relarguer de la sérotonine et d’autres neurotransmetteurs (dopamine, acetylcholine…) lorsqu’elles détectent de l’hypoxie. Le but étant de réactiver le nerf vague pour stimuler la respiration.

Troisièmement, au niveau cellulaire, les cellules activent soit des mécanismes d’apoptose cellulaire et cherchent à utiliser d’autres voies métaboliques (aérobie) pour survivre. On retrouve ce type de stratégies métaboliques dans les tumeurs par exemple.

Tout cela donne l’impression au corps qu’il est en train de mourir ce qui a pour effet de le stresser un peu.

L’intérêt de la phase d’apnée ?

Quel peut donc être l’intérêt de mettre le corps dans cet état ? Tout d’abord, la sensation d’euphorie apparaît dans cet état. Le mécanisme n’est pas parfaitement identifié. Il semble que le centre du cerveau lié à la récompense s’active à ce moment-là (à cause de variations neurophysiologiques mais je ne rentrerai pas dans les détails.). L’idée étant quand le cerveau sent la mort arriver, d’avoir une mort moins désagréable selon certain.

Ensuite, une décharge d’adrénaline a lieu à ce moment là puisqu’il semble que l’hypoxie déclenche le relargage d’adrénaline pour permettre une reprise d’oxygène en temps normal.

Or, l’adrénaline est une hormone de réponse générale au stress qui active le métabolisme. L’hormone va donc permettre de stimuler notre physiologie pour être plus fort. Mais attention, l’adrénaline coûte énormément d’énergie !

A ce stade du protocole respiratoire, on peut donc dire que le système est en panique et l’ortho-sympathique est sur-stimulé…

La reprise avec une apnée pleine.

La particularité de ce travail est la reprise après l’apnée vide par une apnée pleine. Pourquoi ? En fait, il a été montré que l’inspiration après une apnée entraîne une diminution de l’activité orthosympathique. Il est même supposé que des facteurs inhibiteurs sont relargués après une inspiration post-apnée.

Quel est l’avantage d’une apnée après cette inspiration ? Parce que généralement, l’inspiration stimule l’orthosympatique, on évite ainsi de repartir dans les cycles de stimulation. C’est d’ailleurs pour cela qu’à ce moment on est en général en état de bien-être. Psychologiquement, cette phase va donc avoir tendance à restaurer le calme dans le système.

En résumé, phase un d’hyperventilation, on retire le CO2, phase d’apnée, on met le corps en stress extrême, phase 3, on rééquilibre le système.

Comprendre l’expérience de l’endotoxine bactérienne

De la paroi d’Escherichia coli a été injecté dans des sujets pour tester l’influence de la respiration sur le système immunitaire inné

 

Ayant maintenant ces éléments en main, il est assez simple d’expliquer les résultats de l’expérience de l’endotoxine qui a légitimé Wim Hof. Paradoxalement, l’intégralité des effets s’explique par la respiration, pas par le froid.

Déjà, pour comprendre cette expérience, il faut comprendre l’intérêt de l’étude. L’intérêt est de montrer que volontairement, l’humain est capable d’influer sur la réponse immunitaire innée. Or, la théorie générale est que nous n’avons pas accès à ce processus physiologique qui est régulé de façon autonome. Cette étude montre qu’en passant par le système végétatif, on peut y avoir accès. Or, le système respiratoire permet de réguler le système sympathique. L’enjeu de cette étude était donc de faire le pont entre système immunitaire innée et contrôle volontaire.

La réponse immunitaire innée est globalement basée sur l’inflammation qui permet le recrutement des macrophages. Cette inflammation est médiée par la synthèse de cytokines pro-inflammatoire. Leur relargage se fait en réponse à une agression ou une lésion par les tissus épithéliaux en général.

Le LPS est un lipopolysaccharide présent dans la paroi de bactéries. Ce LPS étant reconnu comme étranger, il provoque une violente réponse immunitaire s’il est injecté dans notre corps via le relargage de cytokines.

Or, nous avons vu que pendant la phase d’apnée, on relargue des hormones notamment de la famille des catécholamines. Or, ces catécholamines inhibent les récepteurs responsables de la synthèse des cytokines pro-inflammatoires. C’est ainsi que la respiration peut permettre en stimulant le système orthosympathique de bloquer la synthèse de cytokines. Par conséquent, l’article montre qu’on peut volontairement influer sur le système immunitaire inné.

Par contre attention, l’inflammation n’est qu’une petite partie de la réponse immunitaire et pas la partie comprenant le principe actif. Elle semble très intéressante pour tout ce qui tourne autour de l’auto-immunité.

Pour terminer

Dans cet article, nous avons pu décortiquer les mécanismes biologiques expliquant les effets de la respiration Wim Hof. Dans l’étude scientifique, il y a tout de même un autre point à signaler. La quantité au repos de catécholamines dans le sang est modifiée chez les pratiquants entraînés. A voir avec le temps s’il n’y a pas des phénomènes d’accoutumance qui se manifestent. En effet, il est connu que ces hormones créees une forme de dépendance… Ceci pouvant expliquer à la fois le pilier du commitment cher à la méthode Wim Hof. Cela expliquerait aussi ce besoin d’aller de plus en plus loin dans les rétentions ou dans la performance… A voir avec le temps.

Il y a un autre volet à la méthode, le froid. Là aussi, d’autres systèmes sont mis en jeu mais ce n’est pas le sujet du blog :). il n’en reste pas que ces systèmes restent passionnant à comprendre!

J’espère que cet article a pu vous éclairer, n’hésitez pas à me laisser vos questions ou commentaires. J’y répondrai avec plaisir !

Bonne pratique !

Yvan

 

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