Je n’ai jamais encore traiter de la fréquence respiratoire de façon spécifique. C’est un oubli assez important à mon sens d’autant qu’il y a beaucoup à dire sur le sujet. En effet, la fréquence respiratoire est à la fois un outil de diagnostic de la respiration mais également la conséquence de la somme du fonctionnement de l’ensemble des systèmes de notre corps que nous entraînons dans la méthode REBO2T. Lorsque l’on parle de fréquence respiratoire, nous ne pouvons pas non plus la dissocier du motif respiratoire qui lui aussi nous apprend beaucoup sur notre fonctionnement. J’ai donc décidé d’en faire le sujet de cet article au nouveau format du blog: l’article de fond! On va donc voir dans cet article ce qui est connu de la fréquence respiratoire normale et à quoi elle est due. Ceci permettra de faire un tour d’horizon des processus biologiques influant sur notre respiration les plus importants.
La fréquence respiratoire
La fréquence respiratoire est le nombre de cycle respiratoire (inspiration + expiration) que l’on effectue pendant une minute. Je parlerai d’une respiration quand je démarre d’une inspiration et que je fais un cycle entier jusqu’à la naissance de l’inspiration suivante. Ceci a son importance puisque des pauses inspiratoires et expiratoires peuvent être intégrées à une respiration. Cela dépendra des motifs respiratoires employés.
D’après la médecine, une fréquence respiratoire normale chez l’adulte se situe entre 12 et 20 respirations/ minute. Certains mettent cette norme entre 12 et 16 (John Hopkins institute) sans faire de distinction entre le type de personnes qui ont cette fréquence alors que cela a une influence. Typiquement, quelqu’un en surpoids va respirer plus que quelqu’un qui ne l’est pas simplement à cause de l’effort que cela demande. Chez l’enfant et le nourrisson, cette fréquence est plus rapide (revue sur 15000 individus) allant jusqu’à 60 cycles par minute. Chez la personne âgée, cette fréquence est également plus haute (28 par minute est considéré comme normal) comme l’a démontrée une analyse sur environ 600 personnes âgées.
On considère donc que cette fréquence de 12 à 20 est dans la normalité. Si on est plus haut on fait de la tachypnée (on ventile trop), si on est en dessous, de la bradypnée (on ne ventile pas assez). Ces variations de fréquences sont prédictives de certains problèmes de santé. Typiquement, une bradypnée peut révéler des problèmes d’apnée du sommeil tandis qu’une tachypnée des problèmes cardiaques. Une étude réalisée dans un service d’urgence montre que la fréquence respiratoire est prédictive de la gravité des problèmes de façon plus fiable que le rythme cardiaque ou la pression artérielle. Y prêter attention semble donc plutôt une bonne idée.
Cette fréquence respiratoire est très régulée. Cela sert théoriquement à optimiser l’absorption de l’oxygène par les cellules et l’élimination du CO2 issu de l’activité métabolique. La fréquence respiratoire permet également de réguler le pH du sang qui est lié de toute façon à la PO2 et PCO2. Elle déterminera en fonction du volume courant le volume ventilatoire par minute (généralement 0.5L x 12/min soit 6L par minute). Généralement, celui-ci est de 0.5L x 12 / min soit 6L par minute. Le volume courant des personnes âgées étant plus faible, une compensation se fait par la fréquence et c’est pour cela que l’on peut atteindre 28 respirations par minute.
Si l’on s’intéresse au motif respiratoire le plus commun, c’est une inspiration suivie d’une expiration un peu plus longue et sans pause en fin d’inspiration ou d’expiration.
La régulation de la fréquence respiratoire
La fréquence respiratoire est liée à plusieurs systèmes différents. Ces systèmes sont le cerveau, le tronc cérébral, les muscles respiratoires, les poumons, les voies respiratoires et les vaisseaux sanguins mais également l’activité métabolique des cellules composant nos tissus. Autrement dit, la fréquence respiratoire est la résultante des régulations de chacun de ces systèmes qui agissent sur l’activité du nerf phénique qui contrôle l’activation du diaphragme (et des muscles inter-costaux). On a donc de la régulation mécanique, métabolique, chimique, nerveuse et de la pression partielle des gaz. En gros, on peut dire que l’ensemble des processus physiologiques participent à cette fréquence respiratoire. On comprend donc à quel point elle est centrale.
Cette fréquence respiratoire de base est donnée par les centres respiratoires situés au niveau central du tronc cérébral. Ce centre contrôle la contraction et la relaxation des muscles inspiratoires et expiratoires. Ce contrôle de ces muscles antagonistes est responsable du rythme respiratoire par effet mécanique. C’est une régulation totalement non volontaire. Au repos, cette fréquence est assez stable chez un individu et n’est interrompue que par un soupir ou un baîllement physiologique de façon régulière pour recaler le rythme de temps à autres. Globalement, au repos, les muscles inspiratoires sont contrôlés, les muscles expiratoires n’étant pas spécialement nécessaires. Dans l’idéal, ils devraient même être détendus.
La situation change lorsqu’on cherche à augmenter le volume d’air inspiré lors de l’effort ou de situations pathologiques. Comment le centre respiratoire sait que la situation change? Grâce à trois types de feed-back qui lui parviennent: la pression des gaz, l’activité des muscles, les contrôles moteurs volontaires et même le métabolisme!
Les pressions gazeuses
Le contrôle des gaz et du pH dans le sang va influer la fréquence respiratoire. Par exemple, une forte pression partielle en CO2 (PCO2) va augmenter la fréquence respiratoire pour forcer son expulsion et donc diminuer sa pression. La remontée de cette information se fait grâce à des chémorécepteurs au niveau central et périphérique.
Les corps carotidiens sont les chémorécepteurs principaux. Ils sont localisés au niveau de la séparation des carotides. Ils répondent à la PO2 et aux petites variations de pH et par extension à la PCO2 dans le sang. Ils sont surtout sensibles à une baisse de la PO2 sanguine. Ils provoqueront en cas de baisse une augmentation de la fréquence respiratoire. Il existe des équivalents au niveau aortique mais leur fonctionnement est moins bien connu. Ils seraient moins rapides en terme de réactivité à la baisse de la PO2 mais par contre seraient capables de détecter d’autres formes d’oxygène comme le monoxyde de carbone.
Les chémorécepteurs de la moëlle détectent également les changements de pH en contrôlant le pH du liquide cérébro-spinal très sensible aux variations de pH sanguin. En effet, le CO2 traverse très facilement la barrière hémato-encéphalique et provoque donc une réaction aves les ions H+ du liquide cérébro-spinal changeant rapidement son pH. La réponse est très sensible puisqu’une baisse de seulement une unité de Hg provoque une augmentation de la ventilation de 2 à 3 L supplémentaire par minute.
Enfin, au niveau central, les astrocytes sont également capables de détecter une diminution de la PaO2 ce qui a pour résultat d’augmenter la fréquence respiratoire de façon indépendante des chémorécepteurs périphériques. Cela permet d’induire une réponse locale mais également de recruter à distance d’autres cellules pour avoir une réponse globale
Les récepteurs mécaniques
Le contrôle de l’état de tension musculaire et de l’état d’étirement des poumons est un deuxième niveau de retour sur la fréquence respiratoire. Autrement dit, l’état de tension de vos muscles respiratoires (le diaphragme surtout) aura un effet sur le nombre de respirations par minute. En effet, il y a toujours une balance qui se fait entre l’énergie à dépenser pour respirer et l’efficacité e cette respiration (Mortola, 2018). Si le diaphragme est contracté, l’énergie qu’il va falloir pour oxygéner profondément va être très importante. Le corps choisira donc d’accélérer la fréquence respiratoire. Cela peut être situationnel (Hirjakova et al., 2017) ou chronique. A l’inverse, un entraînement à la respiration tend en détendant ces muscles à diminuer la fréquence respiratoire.
Cependant, il y a également les récepteurs à l’étirement des poumons qui sont à prendre en compte (Widdicombe 1982). Leur rôle dans l’accélération de la fréquence respiratoire semblent même être plus critique que celui de la tolérance au CO2 sur la durée. Ces récepteurs déclenchent une reprise de la respiration lorsqu’ils sont trop étirés. Ainsi, plus ils seront sensibles, moins le volume courant pourra contenir d’air, plus la fréquence respiratoire sera rapide.
Le système nerveux
La fréquence respiratoire dépend directement du système nerveux. Ce rythme va être contrôlé au niveau central qui prend en compte les différents éléments vu jusqu’ici mais également par l’état de stress de l’organisme. Néanmoins, il peut également être affecté par l’état de stress du système nerveux autonome entraînant accélération en cas d’excitation et ralentissement en cas de repos. Ce lien est la raison pour laquelle via la respiration on peut avoir un effet de rétro-contrôle sur notre système nerveux autonome.
L’activité métabolique
Enfin, votre activité métabolique va également influer sur votre fréquence respiratoire. Ce mécanisme se fait principalement par les récepteurs au CO2 mais qui dépend ici uniquement de l’activité de vos cellules. Ainsi, après un repas riche, vous allez avoir tendance à respirer plus vite. De même que lorsque vous faîtes un effort physique. Pourquoi? parce que dans les deux cas, vous demandez plus d’énergie à votre corps, les cellules consomment donc plus de glucose et émettent plus de CO2. Vous allez donc respirer plus vite.
La fréquence respiratoire idéale
Existe-t-il alors une fréquence respiratoire idéale? Si on enlève les variations intra-individuelles et que l’on parle de respiration au repos, on peut dire qu’il devrait y avoir une respiration idéale. Cette respiration idéale doit nécessairement remplir plusieurs critères. Apporter un maximum d’oxygène aux cellules en demandant un effort musculaire minimal. Ceci permet de répondre au principe d’efficience. Cet apport doit se faire sans stresser le système nerveux et en maintenant une structure corporelle la plus stable possible.
Si on part de ces bases, on se rend compte que si on ne veut pas stresser le système nerveux, on doit se rapprocher le plus possible des 6 respirations par minute. En effet, à ce stade, la cohérence cardiaque suggère un bon équilibre entre système nerveux ortho et para-sympathique. Cependant, une respiration aussi lente ne peut se faire sans contrôle de la respiration ce qui est trop fatigant en terme d’énergie. Il faut donc accepter de respirer un peu plus vite et de légèrement déséquilibrer vers l’action le système nerveux.
On se rend compte que lorsque l’on entraîne des gens à la respiration, naturellement, la tendance est à une diminution de la fréquence respiratoire. Je l’observe d’un point empirique mais je vous renvoie aussi à l’article cité précédemment d’Hirjakova, 2017. Si on considère que 14 est la moyenne de la normalité et que l’on gagne sans instruction particulière 20 % environ de diminution de la fréquence respiratoire avec de l’entraînement purement mécanique, on se retrouve à un peu plus de 11 respirations/ minute.
On doit donc être au-dessus de 6 et aux alentours de 11. Cependant, lorsque la mécanique n’est plus un problème, l’étape suivante de la régulation est la tolérance au CO2. Si on n’a pas l’envie de respirer à la fin de l’expiration qui arrive immédiatement, on doit encore gagner un peu. Cela va se faire par l’ajout d’une pause à l’expiration où l’on va rester en suspension avant de reprendre l’inspiration suivante.
Ainsi, dans l’idéal, je vais inspirer sur deux ou trois secondes en étant détendu. J’expire sur autant mais ne ressentant pas immédiatement un besoin de reprendre grâce à l’entraînement, je peux rester en pause 2 ou 3 secondes. De cette manière, mon cycle respiratoire dure environ 6 à 8 secondes, soit une fréquence entre 8 et 10 respirations par minute.
Par conséquent, en s’entraînant, la fréquence respiratoire idéale doit être dans ces eaux là. Être à un peu plus n’est pas dramatique mais être proche de 15 signifie probablement que vous hyper-ventilez avec les problèmes que cela implique.
Pour arriver à cela, la mécanique doit être correcte (c’est-à-dire une respiration naturelle en place), la sensibilité chimique doit être correcte, le système nerveux ne doit pas être stressé. La base de la méthode REBO2T en d’autres termes 😉
Les situations influant sur la fréquence respiratoire
Il existe différentes situations particulières influant sur la fréquence respiratoire. C’est pourquoi il ne faut pas penser que la fréquence respiratoire et le motif qui lui est lié seront toujours identiques. Si on parle des motifs, il faut savoir que toute situation qui va venir stresser l’organisme équilibrera temps d’inspiration et d’expiration et diminuera voire supprimera la pause à l’expiration. L’activité physique, le stress ou la panique, inhaler de la fumée riche en CO2, tout cela va supprimer la pause respiratoire mais également augmenter la fréquence respiratoire. C’est totalement normal, cela fait partie des capacités d’adaptation du corps.
Il existe par contre d’autres situations pathologiques où la fréquence respiratoire est anormalement basse mais surtout présente des motifs spécifiques indiquant un problème.
La respiration de Cheynes-Stokes par exemple est un cas où on va enchaîner des hyperventilations, c’est-à-dire des inspirations/ expirations qui vont d’abord être au maximum du volume courant pour diminuer ensuite jusqu’à entraîner une période d’apnée avant de reprendre. Si cela se passe pendant le sommeil, en l’absence de lésions cérébrales, c’est un symptôme de l’apnée du sommeil. Les raisons justifieraient un article entier, je ne vais donc pas rentrer dans les détails.
La respiration de Biot est un autre exemple où des séries de courtes inspirations à forte amplitude vont alterner avec des périodes d’apnées. Ici, c’est un problème neurologique qui est la cause de ce motif.
A l’inverse des deux précédentes, la respiration de Kussmaul est une respiration consistant en de longues respirations profondes provoquant une hyperventilation. C’est une compensation d’une acidose métabolique, là aussi un trouble pathologique.
Dans tous ces cas, il y a une variation de la fréquence respiratoire mais elle n’a pas vocation à être durable et si elle l’est, c’est que c’est pathologique. Mais attention, dans les cas pathologique, c’est la fréquence mais surtout le motif respiratoire qui change!
Diminuer la fréquence respiratoire
Maintenant que nous en savons plus sur la fréquence respiratoire, nous savons pourquoi il est intéressant qu’elle soit dans une bonne fenêtre de fréquence. Avec ceci, il faut qu’elle soit accompagnée d’un motif respiratoire correct. Pour arriver à cela, il va falloir travailler sur plusieurs paramètres. Tout d’abord, la mécanique de votre respiration. La mise ne place de la respiration naturelle permet d’augmenter l’amplitude de la partie basse de votre ventilation. Elle permet également de mettre en place un mouvement par la détente qui va diminuer la fréquence. Les exercices pour cela sont globalement ceux pour travailler la respiration naturelle et du massage abdominal (ma formation complète ici!)
Lorsque cela est en place, il faudra dans un deuxième temps travailler sur votre capacité à ne pas stresser votre organisme lorsque votre respiration ralentit. Pour cela, il va falloir jouer sur les volumes respiratoires (formation ici) et sur l’intégration de pauses expiratoires permettant d’augmenter votre tolérance au CO2 et donc de ne plus demander d’effort à l’organisme pour ralentir. Si le travail mécanique en amont a été bien fait, la pause vous semblera naturelle.
Enfin, quand vous y êtes parvenus, il faudra s’intéresser à votre niveau de stress et le faire baisser. Ce sera la dernière touche pour stabiliser votre fréquence respiratoire. Votre respiration ne créera plus de stress chez vous au quotidien donc en diminuant votre niveau de stress, vous aurez cassé le cycle auto-entretenu de je stresse donc ma respiration accélère et me stresse.
Pour réussir cette transformation de votre ventilation, il faut compter environ 6 mois si vous travaillez correctement et régulièrement. L’avantage, c’est qu’ensuite ça restera là tout le temps!
Conclusion
La fréquence respiratoire mais aussi le motif respiratoire sont des données qui peuvent passer totalement inaperçues. Pourtant, elles révèlent de nombreuses choses sur notre santé globale et a une influence importante sur notre fonctionnement. En effet, ces deux paramètres sont liés aux mécanismes les plus importants de notre organisme à savoir votre posture, votre physiologie et votre métabolisme.
En prendre conscience permet d’y travailler dessus. Pour cela, il faut prendre la respiration dans sa globalité et pratiquer à différents niveaux. Là, vous pourrez atteindre votre fréquence et motif idéal ce qui règlera énormément de petits soucis que vous pouvez avoir. Pratiquer dans ce cas là est donc un investissement particulièrement intéressant!
A bientôt
Yvan
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