Non, je ne donne pas de certificats.

Voilà ce que je réponds aux gens qui veulent enseigner la respiration consciente en suivant ma méthode. Par contre, je transmet des compétences et bizarrement, ça intéresse immédiatement moins de gens.

Pourquoi ce billet? Pour parler un peu du business du développement personnel et des médecines alternatives. Ce business est à la mode et est un marché énorme. La compétition y est rude et le public toujours à l’affût des nouvelles méthodes pour trouver le game-changer  ultime qui permettra de devenir riche, beau, puissant, en pleine forme avec le moins de travail possible. Résultat, les coachs/ thérapeutes/ formateurs/ instructeurs se forment à tout un tas de pratiques. Et, pour moi, c’est un vrai problème comme je vais le développer dans cet article.

Une formation doit donner des compétences

 

Dans mon parcours, que ce soit universitaire ou dans les arts martiaux et la respiration consciente, l’objectif était de développer une maîtrise. Une fois la maîtrise acquise, alors il devenait légitime de songer à transmettre. Que ce soit dans un cas ou dans l’autre, il m’a fallu environ entre 6 et 8 ans pour atteindre un niveau où je maîtrisais assez la discipline pour pouvoir commencer à en parler. Attention, quand je dis 6 à 8 ans, ce n’est pas 6 à 8 ans à 45 heures par semaines. Néanmoins, je peux facilement considérer qu’on parle de 6 à 8 à environ 5 à 10 heures par semaines. Cela, c’était pour la phase d’apprentissage. Après évidemment, il y a la phase de pratique qui là prend plus de temps puisque cela peut devenir un métier (mon cas) et qui amène à une forme d’expertise.

La différence entre les deux? Maîtriser un sujet signifie comprendre comment ça marche suffisamment bien pour pouvoir y voir la logique et l’expliquer à d’autres. L’expertise c’est cela mais avec en plus une utilisation très poussée voir y amener quelque chose de plus. Par conséquent, on peut dire que l’enseignement est bon quand on maîtrise le sujet. On peut également envisager d’enseigner avant la maîtrise des subtilités si au moins on maîtrise la logique du système.

Maintenant, qu’est-ce que j’observe aujourd’hui dans le milieu du développement personnel? Des formations de quelques heures à quelques jours où on ressort systématiquement avec un certificat expliquant que l’on peut enseigner ou pratiquer. Ma question est, comment-est-ce possible?

 

La responsabilité de l’enseignant et du praticien

 

Pourquoi un médecin fait dix ans d’études? Pourquoi un ostéopathe en fait jusqu’à 8? Parce que soigner et accompagner demande à la fois de la compétence et de la pratique. Le médecin possède 90 % de son cursus théorique 3 à 4 ans avant la fin de son diplôme. Le reste du temps, il pratique en étant supervisé. La formation d’ostéopathe en Angleterre et aux USA fait voir environ 6000 patients à l’étudiant ostéopathe avant la fin de son diplôme. Autrement dit, quand ils sortent de l’école, ils ont un solide background théorique et pratique. De la même manière, dans ma formation j’ai été l’auteur de plusieurs publications scientifiques avant d’être diplômé. Je suppose aussi qu’un pilote d’avion a un peu piloté avant de prendre des passagers seul…

L’intérêt est qu’ensuite, quand on commence à pratiquer, on soit déjà performant. Cela permet d’être sûr qu’il y ait une maîtrise technique, une capacité de diagnostic et de recul permettant d’analyser le problème du patient. Ainsi, on apporte directement quelque chose au patient et surtout, quelqu’un a vérifié que l’on était pas un danger public!

Un diplôme certifie donc à ce stade qu’un niveau de compétence de base est bien présent. Par contre, c’est la pratique qui rend vraiment performant. Et si on veut le mieux pour le patient, il faut augmenter notre niveau de performance en pratiquant beaucoup.

 

Le problème de la collectionite de certificats

Ceci étant dit, que penser alors de la collection de certificats et des CVs longs comme le bras de disciplines toutes plus différentes les unes des autres?

Combien de temps passé pour maîtriser chaque discipline et pouvoir dire que la personne maîtrise son sujet?  Ensuite combien de temps la personne passe à pratiquer ce sur quoi elle est certifiée avant de l’enseigner elle-même ou de le pratiquer sur autrui (si la pratique en condition réelle n’est pas présente dans la formation)?

On se rend donc évidemment compte qu’il n’est pas sérieux de se dire instructeur ou thérapeute d’une discipline à laquelle on a été formé quelques heures. Une formation de quelques heures en vrai ça s’appelle une initiation ou une intro…

Ce reportage est par exemple édifiant.

La question n’est pas de savoir dans ce cas si la discipline marche ou pas. Mais comment en une après-midi on peut prétendre à vouloir soigner des gens? Comment en une après-midi, on peut avoir le recul nécessaire pour se positionner en tant que thérapeute? C’est juste absolument délirant.

Donc évidemment, à ce rythme, on peut en avoir des certificats… Et le pire, c’est les certificats en ligne. On peut donc avoir un certificat de massage, hypnothérapie, méditation en ligne avec des cours enregistrés sans avoir besoin d’avoir pratiqué sur qui que ce soit. C’est juste exceptionnel.

Le problème n’est pas le « ligne ».Je donne moi-même des cours en ligne et le suivi est très intéressant. Le problème encore une fois est l’absence de temps de pratique. Par exemple la méditation. N’importe qui peut donner une séance de méditation. Par contre, comment vous gérez les crises de paniques qui peuvent avoir lieu dans certains cas? Comment vous reconnaissez certaines expériences qui ont lieu quand les gens pratiquent?

 

Le thérapeute ou l’instructeur a la responsabilité de ses patients ou de ses élèves

 

Parce qu’il y a ce risque là aussi. La personne donne son cours de méditation entre son cours de Qi qong, de Pilates, de Reiki et ses consultations d’hypnose et de thérapies de couples, mais peut-etre que l’élève lui pratique la méditation. Et certainement que l’élève va plus pratiquer que le prof. Et l’élève va immanquablement tomber sur des phénomènes classiques en méditation sur lesquels tous ceux qui méditent sérieusement tombent et qui peuvent être trèèèès dérangeant. Il fait comment alors le prof qui a eu son diplôme en ligne en répondant à un QCM?

Une personne qui vient chercher un cadre pour pratiquer ou résoudre un problème va s’investir. Et lorsqu’on touche à la psyché ou au corps, même à la respiration, ce n’est jamais anodin. Et ça peut créer de gros problèmes. L’énergétique par exemple est une source sans fin de pratiquants mal guidés qui se retrouvent avec des problèmes très dérangeants qu’il faut ensuite régler si on a la chance de tomber sur une personne compétente…

Il faut donc que l’encadrant ou le thérapeute connaissent ces problèmes et qu’ils aient un référent ou des référents. Pas une communauté facebook ou instagram!

Une petite réflexion, vous pensez vraiment que sur des approches modernes qui disent qu’ils ont hacké le yoga ou n’importe quel système traditionnel en accélérant le processus est sérieux? Vous pensez vraiment qu’il y a de tels génies en ce siècle qu’ils arrivent à faire en deux ans ce qu’un enseignement qui date de plusieurs centaines ou milliers d’années à plein temps parfois faisait en dix? Tous ceux qui pratiquaient avant ne réfléchissaient donc jamais?

Il y a des choses qui nécessitent du temps. C’est comme ça. Si vous ne me croyez pas, essayez de trouver un  hack qui vous permettra de passer de 1 à 100 pompes d’affilées en une après-midi de formation. Bizarrement, quand c’est concret et mesurable, les méthodes miraculeuses se font plus rares.

Conclusion

Voilà donc pourquoi je ne donne pas de certificat. Les gens que je forme sont référencés et ce qu’ils enseignent est ce que je propose et j’assume pleinement cet enseignement. Voilà aussi pourquoi je ne donne pas de formation d’instructeur en ligne. Il se peut que je décide pour faciliter l’accès au plus grand nombre de faire des programmes en ligne pour des gens souhaitant monter des groupes de pratique mais ce ne sera jamais certifiant. En effet, tant que je ne vois pas ce que fait la personne, je ne prendrai pas la responsabilité du contenu de leur cours.

Enfin, en terme de programme, ma formation d’instructeur amène évidemment beaucoup de contenu qu’il faut digérer. Elle implique aussi une année minimum de pratique et enfin, un gros investissement sur l’étude de la respiration qui donne lieu à un véritable dossier bibliographique. Autrement dit, la compétence de chacun d’eux sera visible publiquement via ce travail.

Contenu, pratique, réflexion et temps. Voilà ce que devrait-être une formation qui donne de la compétence. Voilà pourquoi il n’est pas possible de sérieusement faire cela pour 15 disciplines à la fois. Et bizarrement, ça attire moins de monde…

Prenez donc garde quand vous choisissez avec qui vous pratiquez.

 

Bon été!

 

Yvan