J’ai déjà parlé dans ce blog d’Oxygen advantage®, dérivé de la méthode Buteyko que j’apprécie beaucoup. Oxygen advantage n’est pas encore très connu du grand public. La sortie prochaine du livre traduit en français devrait changer cela. Pourquoi n’est-ce pas connu? Déjà, c’est moins spectaculaire que la méthode Wim Hof quand il s’agit de faire des photos.

Pourtant, oxygen advantage est vraiment spectaculaire quand il s’agit d’obtenir des résultats mesurables et durables. Ensuite, le nombre d’instructeurs français n’est que peu développé. En fait, il n’y en a qu’un : Jean-François Lopez. Si on s’intéresse à la francophonie, il y a également Marc Simard qui est déjà passé quelques fois sur le blog. Il ne sont pas nombreux donc… Raison de plus pour les mettre en avant!

J’ai donc proposé aux deux instructeurs de nous présenter la méthode oxygen advantage que nous découvrirons donc dans ce billet!

Art de la respiration : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

 

Jean-François Lopez :
Je suis le premier Français à avoir été certifié Instructeur Oxygen advantage® par Patrick McKeown. Marc Simard est le premier instructeur canadien francophone. Nous avons été certifiés tous les deux à peu près en même temps. Nous sommes donc constamment en contact pour traduire une partie du matériel anglophone en Français. Nous souhaitons rendre Oxygen advantage® plus connu dans le monde francophone.

Au-delà de l’aspect respiration, je suis coach en force, souplesse et mouvement, principalement auprès des quadragénaires occupés qui souhaitent garder ou retrouver la forme. C’est particulièrement important pour ceux qui ont des enfants qui grandissent et ne veulent pas rester sur le quai quand ceux-ci auront des activités plus physiques.

 

ADR : Pourquoi êtes-vous devenu instructeur Oxygen advantage® ?

 

JFL : Le coaching en activités physiques n’était pas mon activité principale. Je suis moi aussi un quadragénaire occupé, avec un travail prenant et une famille. Je comprends très bien les difficultés rencontrées par ce type de population pour rester en forme, ou la retrouver. J’en fais partie !

Bien souvent, plutôt que de partir faire un jogging, ils ont d’abord besoin de devenir plus fort. C’est d’ailleurs le nom de l’école de force dont je suis instructeur (StrongFirst). Mais comme nous ne souhaitons pas ajouter une charge à une dysfonction, nous devons nous assurer qu’ils ont un bon modèle de mouvement. C’est le rôle du FMS et de l’observation des mouvements fonctionnels. Avant même de mettre en œuvre des stratégies correctives complexes, améliorer la respiration permet d’améliorer le mouvement, et par là l’ensemble des activités physiques.
L’interrelation force/mouvement/respiration m’a amené à m’intéresser un peu plus aux différentes approches de respiration. J’ai ainsi suivi le cours Wim Hof de 10 semaines, et me suis intéressé à l’approche Buteyko, en particulier Oxygen advantage®.

ADR : Justement, Oxygen advantage®, en quoi cela consiste-t-il ?

 

JFL : Oxgen advantage® a deux branches principales.

La première branche découle directement de l’approche Buteyko. Elle vise à retrouver une respiration fonctionnelle. Notre mode de vie moderne entraîne beaucoup de personnes à avoir une respiration non optimale. Plutôt que de vous ennuyer avec des chiffres, je vous suggère plutôt de faire une observation simple.
La respiration devrait être calme, silencieuse, invisible, par le nez. Pourtant, observez autour de vous, dans la rue, les transports en communs. Combien de personnes présentent les traits suivants : respiration sonore, soupirs fréquents, respiration visible (en particulier thoracique), bouche entrouverte ? Ce sont des signes de respiration non fonctionnelle.

Ces traits sont la manifestation d’une condition anormale, qui est la sur-ventilation chronique, c’est-à-dire que nous ventilons plus d’air que nécessaire pour respirer. En d’autres mots, nos poumons brassent du vent…
En regardant différentes études médicales au cours du temps, on observe que la ventilation d’un individu normal dans les années 1930 était autour de 4 litres par minutes. Aujourd’hui, un même individu ventile près de 12 litres par minute. C’est la consommation d’air de trois personnes !

ADR : En effet, c’est beaucoup, mais est-ce vraiment un problème ?

 

JFL : Oui, car ventiler signifie paradoxalement respirer moins.
Il y a en effet une confusion entre ventilation et respiration. Ventiler, c’est amener et expulser l’air de nos poumons. La respiration, au sens strict, cela se passe au niveau cellulaire, quand le dioxygène est délivré aux cellules, en échange de dioxyde de carbone. Or, l’effet Bohr, connu depuis 120 ans, montre que ventiler plus, en éliminant trop de CO2, conduit à réduire la respiration cellulaire.
L’hémoglobine a besoin de CO2 pour relâcher l’oxygène. Plus de ventilation = expulsion du CO2 de l’organisme = baisse de l’efficience respiratoire.

Il y a aussi une croyance erronée, comme quoi hyper-ventiler permet d’augmenter la concentration d’oxygène dans le sang. Cependant, l’hémoglobine est déjà saturée en oxygène, à hauteur de 95 à 99% en temps normal. Hyper-ventiler revient en réalité à diminuer la quantité de CO2 dans le sang. Le premier signal respiratoire, celui qui nous amène à vouloir ventiler, c’est la concentration de CO2. Quand celui-ci atteint un certain seuil, l’organisme veut ventiler pour éliminer le surplus de CO2. Cela arrive bien avant le seuil de manque en oxygène.
C’est d’ailleurs un phénomène bien connu des plongeurs en apnée. Ils savent depuis longtemps qu’hyper-ventiler permet de retarder la reprise de la respiration, mais pas d’augmenter la concentration en oxygène. Ils savent aussi que c’est dangereux. On risque de manquer d’oxygène sans le réaliser et de perdre conscience.

Le résultat de l’hyper-ventilation chronique est donc une baisse de la livraison d’oxygène aux cellules. Cela se traduit notamment par une fatigue permanente, une sensation d’essoufflement, une mauvaise qualité de mouvement, un sommeil perturbé…

 

ADR : Donc, l’hyper-ventilation serait mauvaise, et Oxygen advantage® permet de corriger ça ?

 

JFL : Hyper-ventiler en soi n’est pas mauvais. Cela dépend des situations. Par contre, l’hyper-ventilation chronique l’est. Oxygen advantage® vise à l’éliminer, à travers différents exercices de normalisation du volume respiratoire.
Cela commence par des pratiques simples, de prise de conscience de sa respiration.

Nous insistons notamment sur la respiration par le nez, tant pour inspirer que pour expirer, tout le temps. Cela veut dire aussi pendant les activités sportives pour les athlètes amateurs. Cela peut demander de réduire initialement ses performances, mais les bénéfices ne tarderont pas à se manifester.
Respirer par le nez a de nombreux avantages : préchauffer et humidifier l’air entrant, filtrer particules et bactéries, mieux inhaler l’oxyde nitrique produit dans la cavité nasale, ralentir la ventilation et donc améliorer les échanges gazeux au sein des poumons et des cellules…
Ensuite, pour les personnes qui n’ont pas de contre-indications, nous pratiquons des exercices de respiration réduite, dont le but est de réinitialiser le système nerveux central pour tolérer des niveaux de CO2 plus élevés, ce qui retarde le besoin de respirer et ramène le volume respiratoire à un niveau normal.

ADR : Comment identifier si cela est efficace ?

 

JFL : Nous utilisons deux indicateurs. Le premier est le BOLT (Body oxygen level test), qui est l’équivalent de la Pause contrôlée (PC) de Buteyko.

C’est un test simple et rapide. Asseyez-vous, relaxez-vous. Respirez normalement et calmement. Inspirez normalement, expirez normalement, pincez-vous le nez et retenez votre respiration.
Quand le premier besoin clair de respirer se fait sentir, relâchez le nez et commencez à respirer de nouveau, en commençant par une inspiration. Notez combien de secondes vous avez retenu votre respiration.
Ce test permet de voir la tolérance du corps à l’accumulation de CO2. Si le score est bas, cela signifie que le corps tolère peu l’accumulation de CO2 et qu’il a tendance à sur-ventiler.

On considère la respiration comme fonctionnelle à partir de 25 sec, et c’est l’objectif minimum. Pour les sportifs, nous visons 40 sec et plus. Beaucoup de gens sont en-dessous de 15 sec, voire 10.
Le deuxième test est le MBT (Maximal Breathlessness test). Il se fait debout, en marchant. Respiration normale, inspiration normale, expiration normale, pinçage de nez, marche. Comptez le nombre de pas que vous pouvez faire en retenant votre respiration le plus longtemps possible (à la différence du BOLT, le MBT cherche à pousser la rétention d’air). Moins de 60 pas marque une marge de progrès importante. Plus de 80 est la cible.

 

ADR : Cela n’est-il pas subjectif comme test ?

 

JFL : Non, pas si les instructions sont bien suivies. Le BOLT ne mesure pas la volonté, il mesure une réaction physiologique. Il ne faut pas insister quand le corps signale un besoin de respirer. Cela se traduit souvent par une première contraction des muscles respiratoires. Un moyen simple de voir si le test est bien réalisé est de surveiller la première inspiration après le test. Elle doit être normale, comme si on n’avait jamais arrêté de respirer. Si elle est plus forte, c’est qu’on a poussé la rétention d’air trop loin.
Le meilleur moment pour mesurer le BOLT est le matin au réveil. Un BOLT significativement plus faible au réveil que dans la journée montre que la respiration n’est pas fonctionnelle pendant le sommeil.

ADR : quelle est l’approche Oxygen advantage® pour améliorer la respiration ?

 

JFL : L’approche dépend du score BOLT et bien entendu des éventuels problèmes de santé que peut avoir l’élève, ainsi que de certaines conditions (femmes enceintes par exemple).
Ce que tout le monde peut appliquer immédiatement : éviter les soupirs, respirer par le nez jour et nuit. Pour ceux qui n’ont pas de contre-indications, commencer à pratiquer la respiration légère pendant dix minutes plusieurs fois par jour.
Il est possible de démarrer seul, notamment en s’aidant du livre de Patrick McKeown (pas encore en français), mais je conseille de faire appel à un instructeur pour partir sur de bonnes bases. Évidemment, le mieux est d’avoir un coaching en présentiel, mais le coaching en ligne fonctionne bien aussi. Marc et moi le proposons tous les deux.

 

ADR : question importante. Qu’est-ce ça apporte, finalement, de ramener le volume respiratoire à un niveau normal ?

 

JFL : Ramener la ventilation à un niveau normal indique une augmentation de sa tolérance à des niveaux plus élevés de CO2. Cela permet une meilleure oxygénation des cellules. De cela découlent de nombreuses améliorations auxquelles on ne pense pas forcément : meilleure forme en général, plus de capacité de concentration, meilleur sommeil, réduction des symptômes de l’asthme, etc.

Respirer par le nez permet aussi d’améliorer la qualité de l’air respiré tant au niveau physique (température et humidité) que bactériologique.
Ceux qui souffrent d’une condition médicale sont invités à discuter avec leur médecin s’ils voient une amélioration de leurs symptômes. Celui-ci (et uniquement lui) pourra éventuellement prescrire une modification de la prise médicamenteuse.

J’insiste sur ce dernier point. Nous observons souvent une réduction des symptômes de différentes conditions médicales mais ne donnons aucun conseil médical. C’est le rôle du médecin de décider si une modification du traitement est opportune ou non. Tenez-le informé de votre pratique, mais laissez-le vous conseiller en matière de prescription. A chacun son rôle !

 

ADR : et l’autre branche de Oxygen advantage® ?

JFL : Initialement, Patrick McKeown est un praticien Buteyko qui a travaillé pendant plus de 15 ans avec des patients ayant une condition médicale, en particulier de l’asthme. Au cours de sa pratique, il a observé l’impact que pouvait avoir cette approche sur la pratique sportive.
En combinant l’expérience, l’étude de techniques de respiration traditionnelles, et une littérature scientifique abondante, il a développé Oxygen advantage®.

Cette deuxième branche vise à améliorer la performance sportive en optimisant la respiration, notamment en simulant les conditions d’entraînement en haute altitude. Il s’agit d’entraînement hypoxique (diminuer la saturation en oxygène) hypercapnique (augmenter la concentration de CO2).
Nous avons toute une gamme d’exercices de respiration diminuée et de rétention d’air (légère à forte), à pratiquer dans différentes conditions, au repos et en activité.
En conséquence, l’athlète est capable de repousser sa sensation d’essoufflement, de respirer par le nez plus longtemps dans l’effort, de diminuer le coût physiologique de la respiration. Au niveau cellulaire, il améliore l’efficience respiratoire et l’échange gazeux.

Ce sont des techniques très efficaces, et lorsqu’on lit entre les lignes, on observe de plus en plus d’athlètes de haut niveau qui s’y mettent, avec succès.
Il est cependant nécessaire d’avoir d’abord une respiration fonctionnelle (BOLT au moins à 25 sec), et de ne pas avoir de contre-indications aux rétentions d’air.
Le suivi par un coach est nécessaire.

ADR : on parle beaucoup de la méthode Wim Hof. Quelle différence avec Oxygen advantage® ?

JFL : C’est en effet une question qui revient souvent, parce que les pratiquants s’intéressent souvent aux deux en même temps.

Tout d’abord, nous ne nous opposons pas. Beaucoup d’instructeurs Oxygen advantage® ont pratiqué et pratiquent toujours WHM. Le but n’est pas le même.
Oxygen advantage® vise à améliorer la respiration, en particulier la livraison d’oxygène aux cellules. Elle a deux branches et de multiples méthodes, mais finalement un seul pilier : respirer moins pour respirer mieux !
Dans l’étude publiée aux Pays-bas par l’institut Nijmegen, qui est celle généralement citée par les instructeurs, WHM repose sur trois éléments : méditation (dite du troisième œil), exposition au froid, et techniques de respiration.
Sur les aspects exposition au froid et méditation, nous sommes alignés.

Notre pratique de la respiration a des points communs, mais aussi quelques différences majeures. Dans les deux approches, nous pratiquons des rétentions d’air. La façon dont nous les pratiquons est différente.
Avec WHM, le pratiquant est invité à hyper-ventiler, puis à retenir sa respiration le plus longtemps possible, le plus souvent après une expiration. Cela va baisser la saturation en oxygène (hypoxique) en retardant le signal respiratoire, grâce à la baisse de CO2 pendant l’hyper-ventilation (hypocapnique).
Dans l’approche Oxygen advantage®, il n’y a pas d’hyperventilation pour justement entraîner le corps à tolérer la concentration en CO2. C’est une différence majeure. De même, nous pratiquons les rétentions d’air après une expiration normale, les poumons relativement vides.

Du fait de l’hyper-ventilation, qui est partie intégrante de WHF, je la déconseille à ceux qui souffrent déjà d’hyper-ventilation chronique (BOLT<25 sec). Pour ceux qui sont au-dessus de 25sec, le mieux est d’essayer. Leur programme en ligne est abordable, et leurs instructeurs de plus en plus nombreux.
A titre personnel, je pratique aussi une forme de méditation et l’exposition au froid. Pour la respiration, je suis l’approche Oxygen advantage®.

 

ADR : merci à vous. Un dernier mot pour nos lecteurs ?

 

JFL : Merci de nous permettre de présenter Oxygen advantage® au public francophone. Je terminerais sur un appel à l’action : respirez par le nez, jour et nuit. Arrêtez les soupirs. Et ventilez moins !

 

Conclusion

 

Je tiens d’abord à remercier Jean-François pour cette interview très complète! Si vous avez des questions, n’hésitez pas à le contacter via les commentaires! D’autre part, il y a une vraie plu-valu à pratiquer ce type de méthodes comme nos l’avons déjà vu dans le blog. Récupérer une respiration moins ample est prioritaire pour réapprendre à respirer. Pour ceux qui en veulent plus sur oxygen advantage, je vous conseille le livre du fondateur: Patrick McKneown. Disponible ici, en anglais pour l’instant avant sa publication en français.

 

J’espère que cela vous a plus et je vous dis à bientôt

 

Yvan