Après des articles un peu plus introspectifs, revenons à un sujet bien plus terre-à-terre, la respiration chez le sportif. J’hésite beaucoup à aborder ce sujet en général. Paradoxalement, parce que c’est dans le domaine du sport où les résultats du travail respiratoire sont les plus évidents. La raison est simple, la mesure de performance du sportif peut se faire en regard de sa pratique contrairement à la gestion du stress ou du bien-être dont les résultats sont subjectifs.
Pourquoi j’hésite à en parler? Parce qu’aujourd’hui, très peu de gens sont compétents pour intégrer la respiration dans un plan d’entraînement et les outils dont le travail respiratoire dispose sont juste impressionnants. Du coup, ce sont des éléments précieux à mes yeux et j’en parle toujours avec parcimonie. Néanmoins, j’ai déjà donner quelques exercices. Cependant des exercices ne sont pas une méthodologie et donc finalement, bien qu’efficaces, on ne peut pas aller très loin avec cela. Je vais donc dans cet article parler plutôt de l’intérêt de la respiration dans les différentes phases du sport.
Les différents domaines d’application de la respiration dans le sport
Si on parle de l’utilisation de la respiration dans le sport, on aura en général les réponses suivantes. On bloque la respiration ou on crie (pour expulser l’air) lors du mouvement. On cale la respiration à un rythme donné. Et enfin, on utilise la respiration pour le travail mental. Voilà. Et encore, ça c’est pour un coach ouvert!
En fait, dans cette vision des choses, la respiration est soit un boulet qui gêne l’exécution de l’action soit un truc qui va venir en soutien d’un vrai travail. Ma vision des choses est que le travail respiratoire est absolument l’inverse. Les compétences doivent se construire sur la base respiratoire et non pas l’inverse.
Pourquoi? Pour plusieurs raisons.
Dans le cadre du sport, en action, la respiration génère des contraintes mécaniques non négociables à moins d’arrêter de respirer ou de mal respirer. Or, cela aura des conséquences sur la performance et la précision du geste. Pour le comprendre de façon très pratique, je vous suggère d’essayer l’exercice de gymnastique cyclique qui consiste sur une inspiration à faire un squat, une pompe, un relevé de buste et sur l’expiration suivante la même chose puis d’enchaîner autant de respiration que possible. Les sportifs qui peuvent faire de longues séries de ces exercices pris seuls peuvent être surpris… Certains trouveront peut-être même que c’est plus simple à faire en apnée.
D’un point de vue physiologique, chaque variation du rythme respiratoire provoque une variation du système nerveux végétatif. Certains peuvent se retrouver dans un effet tunnel simplement à cause d’une mauvaise respiration alors qu’ils mettent cela sur le dos de la fatigue. Fatigue toujours, une mauvaise respiration (la respiration normale pour la plupart des gens…) diminue de 10 à 15 % l’endurance de quelqu’un d’entraîner voire créer de l’asthme du sportif.
Enfin, d’un point du vue mental, c’est se priver d’un outil simple pour contrôler humeur et émotions dans l’action.
La mécanique respiratoire
Sans entrer dans les détails, parce que cela prend 7 heures pleines lors de la formation moniteur et instructeur, la mécanique respiratoire est liée à l’ensemble de la structure corporelle. Or, chez la plupart des gens, les schémas moteurs n’intègrent pas la respiration dans leur mouvement. Typiquement, attraper un truc sur le côté en utilisant le deltoïde seul. Le problème de cela est que pour faire des mouvements précis, la phase du cycle respiratoire va avoir une grosse influence puisque la mécanique respiratoire peut entrer en conflit avec ces schémas puisque tous les tissus sont connectés à la respiration.
Il va donc falloir apprendre à faire tout un travail pour bloquer ou expirer à certains moment du mouvement.
Pourtant, ce n’est pas la seule voie possible. L’autre possibilité réside dans le fait de constamment partir du mouvement respiratoire pour bouger. Si vous avez eu du mal à faire l’exercice proposé de gymnastique cyclique, sachez que bien respirer permet de faire une dizaine de respirations d’affilé. Pourquoi? Parce que les mouvements vont être développé à partir de du mouvement respiratoire. Que ce soit sur l’inspiration ou sur l’expiration.
Le résultat de cette nouvelle manière de bouger permettra d’être beaucoup plus libre dans les mouvements et adaptables. Cette forme de corps permet également d’être beaucoup mieux capable de répartir les contraintes mécaniques externes dans le corps, le rendant beaucoup plus stable et résilient à l’impact. D’expérience également, les sportifs qui respirent ainsi sont beaucoup moins blessés. Ceci est en cours d’étude avec un centre d’analyse fonctionnel avec lequel je travail.
La gestion des émotions
La gestion des émotions est l’apanage de la psychologie (ou des neurosciences pour faire « in »). Pourtant, il y a possibilité d’aborder ce sujet de façon très physique. Pire, il faut aborder ce sujet ainsi dans le sport puisque les émotions vont avoir un réel impact biomécanique sur la performance.
Pourquoi un joueur de foot professionnel met le ballon dix mètres au-dessus quand il s’agit de tirer un penalty dans un match à fort enjeu? Evidemment parce que la situation interprétée par le joueur provoque un stress et des émotions. Le problème, c’est que la manifestation des émotions est très corporelle et aussi très liée à la mécanique respiratoire. Une émotion va globalement contracté de façon spécifique certaines zones du corps. Or, dans ce cas, sous pression, la gestion mentale de l’émotion va être au mieux inutile au pire contre-productive. En fait, la gestion mentale doit arriver avant que l’émotion ne se manifeste. Après, c’est un travail corporel.
Dans ce cas, le travail respiratoire va permettre de libérer la zone en la mobilisant et en empêchant qu’elle ne se crispe, comme un étirement ou un étirement en fait. Sauf qu’on parle de muscles profonds…
Enfin, même en prévention, une bonne respiration permet d’être moins affecté par les émotions puisque les muscles concernés seront beaucoup plus en mouvement et donc plus difficilement crispables par la réaction émotionnelle.
Le travail sur la physiologie
Métabolisme, système endocrinien et système nerveux autonome. La respiration est décrite comme ayant une influence sur les trois. Bonne ou mauvaise d’ailleurs…
Respirer correctement va permettre d’influencer ses fonctions selon les besoins. Pour l’entraînement, c’est donc déjà assez intéressant sur le long terme et de le faire de façon individualisé. Mais je vais surtout m’intéresser à un autre aspect, l’endurance. Il est relativement aisé, même chez un sportif entraîné de gagner sans faire plus d’effort physique 10 % d’endurance en plus en deux à trois mois.
A ce stade, la plupart des préparateurs physique pourraient rigoler. Toutefois, rien de magique là-dedans et je l’ai déjà fait chez plusieurs sportifs dont des semi-pros. En fait, l’idée est de repousser le moment où l’athlète n’arrive plus à utiliser le lactate généré au cours de l’effort. En effet, l’accumulation de lactate est lié à un problème de sa reconsommation lui-même lié entre autres à un défaut d’apport en oxygène aux tissus (pas à la saturation de l’hémoglobine).
Il va donc falloir travailler à relever le seuil anaérobie et pour cela, on va faire en sorte de mieux utiliser l’oxygène. En effet, la plupart du temps, ce seuil se relève via l’entraînement physique. Cependant, dans notre cas, ce ne sont pas ces efforts dont nous auront besoin mais plus travailler notre tolérance au CO2. Les résultats sont spectaculaires et liés au fait que cette tolérance permettra d’éviter l’hyperventilation. Paradoxalement, elle est la cause de l’hypoxie tissulaire qui induit la difficulté à réutiliser les lactates.
Certaines méthodes sont spécialisées là-dedans. En ce qui me concerne, j’ai développé des outils spécifiques pour ce travail avec pour objectif qu’ils soient intégrables facilement dans un plan d’entraînement déjà en place.
Le travail mental
Le travail mental est finalement l’aspect le plus commun dans la préparation du sportif. La seule différence que je fais avec ce que l’on peut trouver en sophrologie par exemple, c’est que la respiration va être le centre de mon travail. De la même manière que l’on peut structurer le corps grâce à la mécanique respiratoire, on va chercher à structurer l’esprit par la respiration.
Il y a tout de même un intérêt notable à ce type d’approche. Petit à petit, la notion de motivation endogène ou exogène prend peu d’importance. Il ne reste que l’objectif que l’on se fixe. Et ceci reste relativement stable. Le but est donc d’être le moins affecté possible par les paramètres extérieurs et pouvoir se focaliser à souhait sur l’objectif donné.
L’importance du diagnostic
Encore une fois, il existe des tas de techniques de respirations. Elles sont toutes efficaces dans le cadre correct. Le problème est « quel est ce cadre correct? ».
il faut donc des outils diagnostics pour savoir quel type d’entraînement respiratoire est le plus adapté. Diagnostic du mouvement respiratoire, des charges émotionnelles, de l’activité végétative, des paramètres physiologiques et métaboliques et enfin du fonctionnement mental. Seuls ces diagnostics permettent de réellement adapter l’entraînement respiratoire pour augmenter la performance du sportif. A mon sens, c’est ce qui fait une bonne méthode. Je réalise donc environ une heure et demi de test pour voir quel approche je dois utiliser.
Ceci permet aussi de ne pas avoir besoin de tout travailler si ce n’est pas nécessaire! A l’inverse, cela permet aussi de ne pas empirer la situation avec des exercices non adaptés.
Conclusion
Le travail respiratoire pour le sportif est donc très riche. Il se situe vraiment à l’interface entre le travail du préparateur physique et du préparateur mental. Sur tous les sportifs que j’ai entraînés, les résultats été très visibles. Pourquoi? Parce que le potentiel d’amélioration est simplement énorme. Je pense même que chez un sportif pro, c’est là où la marge de progression est la plus grande avec un minimum d’effort.
J’ai pour habitude de dire que l’impact de la respiration est équivalent à celui de la diététique dans la performance. Autant dire que ceux qui s’y mettront les premiers auront des avantages considérables sur ce qui ne le font pas vu le niveau de préparation sportif de très haut niveau de tout le monde aujourd’hui.
Si vous êtes coach ou même sportif, je serais donc ravi de collaborer ensemble pour montrer l’impact de la respiration dans la performance sportive!
A bientôt
Yvan
PS: postez combien de respiration vous avez réussi à faire en gymnastique cyclique 🙂
Merci pour cet article! C’est très pertinent!
J’ai vu il y a quelque temps sur le mur d’une piscine publique un tableau illustrant les exercices d’étirements appropriés pour les nageurs. Il y avait aussi très peu d’indications. Et bien tous les exercices sans exception étaient des postures de yoga! Inutile de dire que le simple mot «respiration» était absent du tableau… Le monde du sport en est encore à ses premiers balbutiements par rapport à sa perception de ce que peut apporter une respiration libre, disponible au besoin, adaptatée, optimale.
Jean-Sébastien
Et encore, la natation est probablement une des disciplines les plus avancées sur le sujet!
Oui tout à fait !
Et au-delà de ça, utiliser activement la respiration pour la performance sportive!
Bonjour, tout cela est passionnant.
Que penser de l’utilisation des masques qui réduisent l’apport d’O2, pour simuler la pratique du sport en altitude ?
Ph.
Je ne suis pas un grand utilisateur de masque. S’ils permettent de respirer par le nez, c’est intéressant. Mais on peut faire sans.