Connaissez-vous le systema? C’est un art martial venant de Russie et présentant une particularité très peu commune, la base de la pratique est le souffle. La respiration l’outil le plus utilisé. Surprenant non? Je pratique cette discipline depuis un moment déjà. Cette pratique influence le blog puisque je dirais qu’un bon tiers de mes techniques respiratoires viennent de là. J’ai donc décidé dans ce billet de parler un petit peu de cette discipline dont l’essence a plus sa place sur ce blog que sur celui parlant d’arts martiaux. Oui c’est assez paradoxal mais j’espère qu’à la fin de cet article, vous comprendrez pourquoi!

 

Mikhail Ryabko, fondateur du systema

Le systema, un art martial venant de Russie

Le systema dont je vais parler et le seul qui soit intéressant dans le cadre de ce blog est le systema Ryabko/ Vasiliev. Quand je dirai systema, je parlerai donc de cette discipline. Pour faire simple, c’est un style qui a été créé par Mikhail Ryabko dans les années 80 à Moscou. Sa diffusion mondiale s’est faîte grâce au travail de Vladimir Vasiliev (et sa femme Valérie) dans les années 90 au Canada.  Quand je dis créé, il faut comprendre cela comme un point de départ, puisque c’est réellement un work in progress. La discipline étant en fait ce que Mikhail Ryabko montre. Et il montre toujours plus. Par conséquent, le systema est loin d’être une discipline finalisée ou définie. Le seul truc qui le soit c’est sa finalité.

Sa finalité est d’ailleurs ce qui distingue le systema des autres arts martiaux et qui en ce qui me concerne fait qu’il ne peut pas être classé dans cette catégorie. Pour avoir écouté Mikhail Ryabko parler de cela directement, la finalité du systema est de devenir une bonne personne. Ceci signifie quelqu’un d’émotionnellement stable, capable d’être clair dans ses intentions et d’être capable d’aller au bout de ce qu’il entreprend. Ces qualités rendent au final la personne honnête.

Un exemple de la logique de travail, j’ai dîné il y a peu avec un de ses instructeurs moscovite qui était vers chez moi en vacances. Je lui disais qu’en ce moment, je n’avais pas le temps de m’entraîner 15 heures par semaine comme ce que je fais depuis environ dix ans à cause de nombreux projets en cours. Il m’a répondu que ce n’était pas grave. Ma pratique du systema, c’était mes projets, que l’entraînement n’était là que pour mettre en lumière les points que je dois travailler…Le systema est donc quelque chose à appliquer en permanence. C’est presque un état. Cet état conduit à être une meilleure personne.

Les quatre piliers du systema

Le systema s’articule autour de quatre piliers: la respiration, la structure, la relâchement et la mobilité. Ce sont des principes que nous devons reconnaître dans chacune de nos actions pour pouvoir appeler ça systema. Il y a une logique dans cette articulation. Une bonne respiration comme nous l’avons vu sur ce blog donne une bonne posture. Une bonne posture permet d’utiliser son énergie de façon plus efficiente et donc de relâcher nos tensions inutiles. Enfin, éliminer la tension permet de transmettre du mouvement constamment et donc d’être toujours mobile et adaptable. 

Premier point, vous noterez que je n’ai pas utilisé le mot corps.

Second point, vous noterez également que ces principes s’appliquent à absolument tout.

 

Attention toutefois à la notion de sans tension. A moins qu’une méduse me lise, vos muscles (et si ce n’est pas eux vos fascias) sont toujours en tension. Chercher à tout relâcher est illusoire et ne doit même pas être recherché. Sinon, tout ce que vous ferait sera mou, sans intention, comme après un cours de relaxation…

 

Le systema, une discipline basée sur l’utilisation du souffle

 

Tout mouvement en systema commence par le souffle. C’est extrêmement important. Malheureusement, cette phrase est mal comprise généralement. En fait, je ne connais personne qui a été capable de l’expliquer clairement. Me le montrer oui par contre mais ceux capables de le montrer outre les deux fondateurs ne sont qu’une poignée. 

Néanmoins, toute la discipline est basée la dessus. En effet, le souffle génère un mouvement permanent. Le souffle, pas la respiration. D’où souvent la question, comment je commence un mouvement avec ma respiration si je suis en apnée? Réponse: on ne le peut pas. Par contre avec le souffle oui. En effet, l’apnée est une composante du souffle tel que je l’ai défini dans un article précédent. Par conséquent à ce niveau-là, aucun problème pour toujours démarrer un mouvement par le souffle.

Comme je l’ai dit plus haut, je ne parle pas que du corps. Une pensée structurée se positionne avec le souffle. Ainsi, la pensée se pose naturellement en fin d’expiration. Si vous voulez construire une pensée stable et canalisée, démarrez la à l’inspiration, jamais à l’expiration. Par contre vous pouvez terminer un raisonnement à l’expiration pour l’assimiler et l’évacuer. Les apnées ont également un fort effet sur les pensées.

La logique de progression en systema

 

Comme je l’ai dit, le systema se base sur quatre piliers: respiration, structure, relâchement et mouvement. Tout démarre avec la respiration. La construction du corps se fait par la respiration naturelle. C’est en effet elle qui va donner cette structure si particulière permettant un relâchement optimal. Une fois la structure en place, la respiration va permettre de participer à relâcher les tensions, aussi bien physiques, qu’émotionnelles ou mentales. Ceci va créer une grande disponibilité. Quand le corps et l’esprit n’ont pas de tension à gérer, ils trouvent des solutions très originales et inattendues. 

Quand cette progression est effectuée, c’est à la capacité à s’adapter (trouver solutions) et à être imprévisible (inattendu) que le systema doit mener. Si quelqu’un est capable simplement de prédire comment vous aller réagir, c’est que quelque part, vous êtes bloqué. Attention, vous pouvez être bloqué par un comportement logique. Néanmois, ça vous rend prévisible. Si vous étiez libre, peut-être qu’une autre solution vous apparaîtrait.

Pour illustrer cela, faisons un petit test, vous laisserez votre réponse en commentaire. Imaginez que quelqu’un vous attrape la main par le poignet fermement. Votre but est de bouger. Que faîtes-vous?

La capacité à être toujours en mouvement créé une grande vivacité d’esprit. Lorsqu’on en est à ce point, le souffle est alors ce qui va nous permettre de nous réguler et de nous débarrasser de ce qui nous gêne.

 

Les bienfaits du systema pour le travail du souffle

 

Pourquoi pratiquer le systema  quand on s’intéresse au travail du souffle? Un gros avantage du systema est de solliciter énormément le corps. Ceci permet de vraiment voir si le souffle aide ou non. Tout le monde n’a pas les mêmes capacités physiques. Il y a donc peu d’intérêt à se comparer. Néanmoins, en utilisant le souffle, on atteint des performances beaucoup plus intéressantes à un niveau individuel. Par exemple, pas plus tard qu’il y a deux semaines, j’ai fait tenir en position de pompes mes élèves pendant 45 minutes. L’intérêt n’est là absolument pas de les rendre plus fort mais de tester si le souffle leur permet de rafraîchir et tenir le mental. Ceci permet de participer à un mouvement afin de soulager les muscles.

Tout le monde a tenu.

Ensuite, le systema met les gens en difficulté. Physiquement et émotionnellement. Il est difficile de se mentir quand on pratique. Enfin plutôt, il est facile d’être conscient de quand on se ment. La plupart du temps, les gens préfèrent juste ne pas en avoir conscience… Donc si on souhaite vraiment travailler, l’entraînement mettra vraiment en évidence nos problèmes. Et le souffle est souvent le moyen de les résoudre.

Généralement, les cours se terminent aussi par un cercle de parole. Il est assez facile de voir à ce moment-là qui se ment ;). Le cercle de parole est un exercice intéressant où on soulève les difficultés ou les choses que l’on a compris pendant l’entraînement. Si vous avez l’impression qu’une personne vous raconte sa psychothérapie, elle se ment. Vous n’avez pas besoin de faire l’étalage de votre état émotionnel et de vos traumatismes liés à l’enfance dans le cercle. Par contre ce qui peut être intéressant, c’est de comprendre qu’est-ce qui dans l’exercice a fait remonter ces choses là. Cela vaut pour les cercles de paroles en général dans les pratiques traditionnelles d’ailleurs.

 

Et la martialité dans tout ça?

 

J’ai commencé dans l’introduction en disant que le systema était un art martial russe. Pourtant nulle part dans cet article je n’ai parlé de quoique ce soit de martial. Ceci est aussi la raison pour laquelle je m’éloigne un peu du milieu. La martialité, je m’en fous. 

Peut-être vous souvenez de la logique de construction du systema. Les quatre étapes permettent de construire le physique mais également la psyché. Or, quand vous stabiliser la psyché, des choses changent. Deux en particulier, votre rapport aux peurs et votre variabilité émotionnelle. Or, la recherche de martialité dans notre société actuelle n’est liée qu’à deux choses non exclusives: la peur de l’autre et/ou la recherche d’une validation sociale par le pouvoir. Les compétences guerrières n’ont rien à voir avec un besoin d’une application concrète. Sauf si votre métier est lié à la violence ou à la guerre mais dans ce cas là, l’entraînement à l’usage des armes est plutôt ce qu’il se fait pour avoir une vraie pertinence en situation violente. Et si détruire l’autre vraiment c’est votre passion, il y a plus direct comme moyen que de s’intéresser au systema.

Par conséquent, paradoxalement, plus l’entraînement progresse, moins la martialité est intéressante. C’est pour moi un bon indicateur de niveau (avec les changements que les améliorations de l’entraînement produisent dans la vie de tous les jours). Par contre, même si la finalité martiale est peu pertinente, l’approche martiale est-elle l’outil de base. C’est en effet par l’art martial que l’on va se mettre en difficulté et révéler facilement les défauts à corriger pour progresser en tant qu’humain. Là réside tout le génie de la méthode. On doit donc rechercher l’efficacité dans la pratique des exercices, pas nécessairement la réalité (qui est de toute façon très relative).

 

Enlever plutôt qu’ajouter

Le systema est une technique sans forme. Ceci est perturbant et au final, on trouve des gens qui pour remplacer cette absence de forme singent les mouvements des fondateurs (ou en tous cas ce qu’ils en perçoivent). Pourtant, le systema est tout autre. Pourquoi le souffle est-il si central dans la pratique? Parce qu’on cherche à enlever plutôt qu’à ajouter. En systema, on postule que toutes les compétences sont déjà programmées en nous. Par contre, leur expression est gênée par nos tensions, nos schémas de pensée, notre conditionnement, nos croyances et nos peurs. Tout cela doit être éliminer.

Or, si le souffle peut passer, cela signifie que les tensions ont disparu. Le souffle va donc petit à petit à la fois nettoyer ces blocages et valider le fait qu’ils n’y sont plus. Moins il y en aura, moins on aura une forme reconnaissable, des réponses pré-programmées et des blocages. Tout sera plus fluide, plus uni, plus efficace (minimum d’énergie, maximum d’effort). On aura la sensation de suivre un flot continue et qu’il nous donne l’énergie pour être au bon moment au bon endroit. Tout le temps, et donc dans votre vie quotidienne. Vous remarquerez que bizarrement, vous faîtes des choix plus pertinents et que vous devenez miraculeusement moins poisseux… Tant et si bien qu’au final, il n’y aura rien de spécial dans ce que vous faites vu de l’extérieur. Vous entendrez souvent que vous êtes vraiment chanceux. Tout ça pour ça. C’est l’ego qui ne va pas être content s’il est au courant…

Les techniques respiratoires en systema

 

Si le souffle est central, la respiration est l’outil permettant de l’alimenter. Il y a globalement trois respiration principales à connaître en systema. La respiration profonde, la respiration d’ancrage, la respiration rythmique. A cela s’ajoute deux respirations un peu plus avancées, la respiration de relâchement et la respiration explosive. Il y a quelques respirations supplémentaires liées au souffle dont je ne parlerai pas. C’est mieux de les sentir.

Notez bien que les exercices pour travailler ces respirations se déclinent par dizaines… L’intérêt est que le corps apprend à automatiser la mise en place de la bonne respiration en fonction du besoin. Et contrairement à ce que j’ai pu entendre de la part d’incompétents, la respiration n’est pas un truc uniquement pour débutants… C’est au contraire la base et la partie la plus difficile de la pratique.

 

Conclusion

Le systema Ryabko est une superbe pratique. C’est également une très bonne école du souffle. On notera que dans cette école on ne parle jamais d’énergie. Si vous avez lu mon article sur l’histoire de la respiration, vous comprendrez que peut-être, ce n’est pas si vrai.

S’il y a une chose à retenir si vous vous intéressez à la respiration, c’est que dissocier la respiration et le souffle de façon général d’une pratique corporelle n’est pas une bonne idée. Le souffle fait le lien entre deux mondes. Un concret et l’autre plus abstrait. Sans le travail corporel qui permet de s’ancrer dans le concret, on peut vite se faire des films dans sa tête sur les effets du souffle, de la méditation ou que sais-je. Cela fera d’ailleurs l’objet de prochains articles.

Je tenais donc à parler du systema puisque cela a grandement influé sur ma vision de la pratique de la respiration. En terme de pratique, si elle est bien encadrée (regardez comment ils respirent, c’est déjà pas mal pour se faire une idée), c’est un vrai plus pour explorer les effets de la respiration. Il faudra ensuite aller voir ailleurs ou beaucoup plus loin pour des thématiques autre, mais cela construit une excellente base.

A bientôt

Yvan

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