On ne se rend que rarement compte de l’influence de notre respiration. Pourtant, elle affecte de nombreux paramètres de notre vie, aussi bien physique, que physiologique et même psychologique. Dans une étude récente menée par Amelia Grosso de l’université de Pavia en Italie, des chercheurs se sont intéressés à la dépression et à l’influence de la respiration sur cette dernière. Les résultats sont surprenants puisqu’ils montrent une relation de cause à effet entre mauvaise respiration et apparition de la dépression! Cet article va donc être consacré à leur étude et va décrypter ces résultats plus qu’intéressants.

 

La dépression

 

La dépression est une maladie qui touche plus de 3 millions de personnes.  Elle peut se manifester dans toutes les catégories sociales, quel que soit le sexe, l’âge, l’origine. La dépression s’exprime par une sorte de ralentissement général. Absolument tout demande un effort considérable. Ceci a un impact sur la vie sociale et affective, sur le travail, sur la santé, l’alimentation, les performances physiques et intellectuelles. Ce ralentissement des fonctions dure sur une longue période (plus de quinze jours).

La dépression est une maladie insidieuse puisque la personne affectée aura généralement du mal à s’en rendre compte. C’est souvent d’ailleurs l’entourage qui voit le problème en premier. Pour savoir si vous souffrez de dépression, je vous renvoie sur ce questionnaire très bien fait qui vous aidera à savoir si vous devez consulter un médecin rapidement.

Notez qu’une dépression est différente d’un burn-out dont nous avons parlé ailleurs.

Un lien entre dépression et maladies chroniques respiratoires

 

La dépression co-existe fréquemment avec des maladies chroniques, dont des maladies respiratoires. Cette co-existance augmente le facteur de risque de morbidité et de mortalité. La littérature est riche en exemple d’association entre dépression et asthme ou rhinites, des maladies respiratoires courantes.  Le problème est que la dépression réduit la qualité de vie et rend plus difficile la gestion des maladies respiratoires. En effet, la personne dépressive aura plus de mal a suivre un traitement ou à consulter.

La dépression de façon intéressante est fortement associée avec une haute concentration en médiateurs de l’inflammation qui peuvent avoir un rôle dans l’asthme et l’allergie. D’un autre côté, la prise de corticoïdes pour soigner les maladies respiratoires induit à long terme des effets dépressifs. Ainsi, il est difficile de déterminer si la dépression peut être la cause ou la conséquence de maladies respiratoires. Dans tous les cas, l’augmentation parallèle du nombre de dépressions et du nombre de maladies chroniques pose la question de savoir comment elles affectent la santé. Pour cela, il est nécessaire de savoir qui cause quoi et l’étude présentée ici répond à la question.

 

La dépression est induite par l’asthme et les rhinites

 

Pour répondre à cette question, les auteurs ont étudié 2227 sujets sur trois ans. Ces participants ont été divisés en trois groupes. Le premier groupe contenait des asthmatiques, le deuxième des personnes atteintes de rhinites chroniques et le troisième était un groupe contrôle sans problèmes respiratoires.  Ces personnes ont été suivies pendant trois ans pour l’apparition de dépression durant la période de l’étude.

Les résultats sont les suivants/ dans le premier groupe, 16,7 % des personnes ont été diagnostiquées comme développant une dépression. Dans le deuxième, 11,9 % ont développé une dépression. Enfin dans le troisième groupe, le groupe contrôle, seulement 5,1 % des sujets ont développé une dépression.

A l’intérieur de ces groupes, les femmes semblent plus touchées que les hommes. Ensuite, il y a une influence forte des prédispositions génétiques pour l’asthme avec l’apparition de la dépression. C’est-à-dire qu’un asthmatique dont la famille est globalement asthmatique, il y a une possibilité plus importante qu’il développe une dépression. Par contre, il y a plus de risque de dépression chez des sujets développant spontanément des rhinites chroniques d’être dépressif que chez des sujets qui ont des rhinites chroniques familiales.

Parmi les sujets atteints, les asthmatiques dépressifs ont sans surprise une plus faible capacité à contrôler leur asthme que chez des asthmatiques sans dépression. A la fois pour l’asthme et les rhinites, les malades avec dépression ont une qualité de vie bien plus faible à la fois au niveau physique et mental. Pour les rhinites en particuliers, les sujets atteints peuvent souffrir de symptômes nasaux plus de 6 mois par an et ont 4 fois plus de risques de voir une aggravation des symptômes.

 

Quelles sont les conclusions de cette étude?

 

Cette étude confirme tout d’abord un lien fort entre dépression et problèmes respiratoires. Mieux, elle montre que ce sont bien les problèmes respiratoires qui favorisent l’apparition d’une dépression. Elle peut également aider à mieux diagnostiquer un facteur de risque de dépression chez des malades atteints de problèmes respiratoires. Une observation intéressante de l’étude est qu’elle montre que les rhinites chez des gens sans prédisposition ont plus de chances d’induire une dépression que chez ceux qui en ont. Enfin, des rhinites qui s’aggravent et un asthme mal contrôlé conduisent plus facilement à un état dépressif chez l’adulte.

La fiabilité de cette étude est importante. En effet, la taille du groupe rend possible une analyse statistique très sérieuse. De plus, cet échantillon provient de la population et non pas de personnes triées pour des études cliniques. D’un point de vue intérêt, ce ne sont pas une mais deux maladies respiratoires qui ont été évaluées, l’asthme et la rhinite grâce à cette approche. L’autre point fort est le mode de collecte des données qui sont standardisées et les procédures des protocoles.

Par contre, il y a quelques limitations. D’abord, un seul outil de diagnostic de dépression a été utilisé: un questionnaire (PHQ-2) Toutefois, ce questionnaire reste robuste et largement utilisé dans le domaine. Ensuite, le questionnaire est seulement basé sur la volonté des patients qui  y répondent. On ne peut donc être sûr de l’objectivité de ces réponses. par exemple, la perception de la gravité des symptômes peuvent être influencées par le statut psychologique de la personne. Enfin dernier point, l’étude a été réalisé uniquement sur la population italienne, ce qui pourrait induire des biais environnementaux  ou culturels. Mais, encore une fois, l’ensemble est très solide et de très bonne qualité.

 

Des pistes pour casser ce lien de cause à effet

Il est intéressant de noter que ce lien dépression/ problème respiratoire est plus important chez les gens avec un mauvais contrôle de l’asthme et avec des rhinites non-atopiques qui s’aggravent.

Nous en avons déjà parlé mais l’asthme peut-être largement lié et amélioré avec certaines techniques respiratoires. La méthode Buteyko a été étudiée dans ce cadre et il a été montré qu’elle améliore significativement le contrôle de l’asthme et la dépendance aux corticoïdes. Ceci est important puisque ce sont deux facteurs de risques pour l’apparition de la dépression.

Ensuite, une bonne respiration permet de contrôler l’inflammation. Toutes les méthodes, des plus douces et simples comme la cohérence cardiaque au plus stressante « Wim Hof » induisent une baisse générale de l’état inflammatoire des pratiquants. Retrouver une respiration naturelle et s’aider d’une technique respiratoire peut donc aider à contrôler les rhinites.

Autre point, la dépression conduit à un déséquilibre hormonal dans les niveaux de sérotonine, cortisol et dopamine entre autres.  Les pratiques respiratoires ont tendance à restaurer ces niveaux à l’équilibre.

Enfin, que ce soit pour l’asthme ou les rhinites, la difficulté à respirer par le nez conduit à une diminution de l’apport en monoxyde d’azote, un vasodilatateur et un anti-microbien. Utiliser des techniques pour ré-accumuler et libérer du NO peut donc grandement améliorer la situation.

 

Conclusion

 

Dans cet article, nous avons vu grâce à l’étude de Grosso A. et al, 2019 que les maladies respiratoires favorisent l’apparition de la dépression. Cette étude fait sur un grand nombre de participant a permis de conclure cela avec de très bons arguments statistiques.

Cette découverte est intéressante sur plusieurs points. D’abord, cela implique qu’un travail respiratoire peut prévenir la dépression en améliorant les symptômes liées à l’asthme ou aux rhinites. Ensuite, cela montre qu’une maladie psychique peut avoir des causes très physiologiques et donc qu’une approche physiologique est pertinente pour traiter le problème.

Enfin, cela ouvre sur la nécessité de comprendre comment l’asthme et les rhinites induisent la dépression. Des hypothèses qui peuvent être apportées sont bien évidemment la diminution de la qualité de vie. Toutefois, on sait qu’une mauvaise respiration peut causer beaucoup de dégâts aussi bien physiques que mentaux. Or, les maladies respiratoires provoquent de fait une mauvaise respiration. Il y a donc ici un lien à faire et des relations de causes à effets à trouver.

C’est tout pour aujourd’hui, j’espère que cet article vous a plu!

A bientôt

 

Yvan