Dans ce nouvel article pour la nouvelle saison, nous allons parler d’un sujet important dans le cadre de l’apprentissage : la méthode d’apprentissage et son lien avec le fonctionnement de l’esprit. Ces deux concepts sont des écueils potentiels de l’apprentissage. En avoir conscience, c’est évaluer le contenu d’un enseignement mais aussi gagner beaucoup de temps. Nous allons voir comment les reconnaître et surtout comment ne pas tomber dans leurs écueils  afin de pouvoir adopter une approche équilibrée.

 

 

L’apprentissage possède un objectif bien défini

 

L’apprentissage est une action réalisée pour obtenir un savoir, une compétence ou un état. Cet objectif est atteint si la personne, après l’apprentissage, est capable de produire quelque chose grâce à cette compétence. Pour acquérir cela, on peut passer par trois grandes familles : le savoir, le savoir-faire, et l’état.

Quand on parle de savoir, l’enseignement est assez simple. Il « suffit » d’assimiler l’ensemble des informations disponibles sur le sujet. Pour le savoir-faire, c’est un mélange d’assimilation d’informations et de pratique/expérience. Enfin, l’apprentissage d’un état se fait principalement par la pratique, puisque l’état est quelque chose qui s’expérimente avant tout. En fonction des sociétés et des époques, la préférence entre ces trois approches a fortement varié.

Voyons comment cela s’applique aux différents modes d’apprentissage.

 

L’acquisition du savoir

 

Aujourd’hui, dans nos sociétés, je dirais que c’est le mode d’apprentissage le plus courant. Avec Internet et, encore plus, les IA génératives, l’information est disponible partout. Les cerveaux sont donc habitués à ingurgiter beaucoup d’informations, et il est assez facile de passer pour un expert en restituant cette information. Cette accumulation de connaissances théoriques plaît au mental qui s’accommode très bien du fait qu’il n’y ait aucune mise en pratique derrière et s’il y en a une, qu’elle ne soit pas soumise à l’évaluation. C’est aussi un fonctionnement qui permet de produire de l’idée, pas forcément pratique mais philosophique. Ce n’est pas pour rien que les idées progressistes se multiplient quand la société a du mal à suivre derrière.

L’objectif est de produire de l’idée, d’accumuler du savoir autour de cette idée. Peu importe que la réalité colle ou pas, ce n’est pas ça qui donne de la satisfaction. La satisfaction est dans l’accumulation et dans l’image qu’elle donne.

Cette stratégie a ses limites quand on parle de disciplines où l’on doit produire quelque chose qui dépasse la connaissance théorique. Par exemple, malgré tous les discours sur la Terre Plate, il est très difficile de le démontrer (je vous conseille cette magnifique interview)… Cependant, cette dérive est liée au fait que, même avant cet afflux d’informations, l’apprentissage par cœur d’informations sans la coupler à de l’expérimentation pratique, a été la norme dans les écoles, les collèges, les lycées, et même les premières années d’université. Nous sommes une civilisation du savoir où les métiers les plus en vu sont dans le conseil, la stratégie ou la finance… Des métiers basés sur le savoir et non le faire.

Cette méthode implique tout de même un énorme temps passé à mémoriser ou à prendre connaissance d’informations, mais ne garantit en aucun cas la capacité à avoir un esprit critique sur ces informations ni la capacité à les contextualiser. Pourquoi? Parce que cela demande de se confronter au réel et d’accepter les conséquences de ce retour pour réévaluer la connaissance.

 

L’acquisition d’un état

 

À l’opposé de l’acquisition du savoir, il y a l’acquisition d’un état. Celui-ci peut d’ailleurs permettre de se passer du savoir dans une certaine mesure. On retrouve cela dans beaucoup d’écoles traditionnelles orientales ou dans les pratiques spirituelles en général. L’idée est qu’un état d’esprit ou un état corporel permet d’exprimer des qualités qui autorisent la production d’effets de manière spontanée. Peu importe de savoir pourquoi ça marche. L’amour inconditionnel, le flow, l’empathie, le lâcher-prise, le silence mental… Tous ces états permettent de produire naturellement des effets impressionnants.

Certaines écoles se montent pour enseigner cela, en vous faisant prier ou méditer (sous différentes formes), dans l’espoir que vous atteindrez cet état. Parfois ça marche, souvent ça ne marche pas, et tout aussi souvent, on fantasme sur le fait d’y arriver. Combien de fois ai-je entendu quelqu’un dire qu’il pouvait se mettre en état de flow à volonté, mais que, soumis au test, cet état se brisait au moindre stress… Idem pour l’état de silence mental du méditant qui s’emporte à la sortie de son cours parce qu’on lui a grillé la priorité.

Le problème de l’état, c’est que c’est avant tout une sensation. Transmettre une sensation, c’est difficile. Vérifier que la sensation est bien la bonne encore plus. Il faut donc s’en remettre aux probabilités qu’avec le temps ça va finir par arriver ou à la Foi. Par contre, la grosse différence avec le savoir, l’état permet de réaliser des choses très concrètes. L’état de flow permet d’améliorer ses performances, le silence mental de pouvoir se focaliser sur une tâche de nombreuses heures sans sourciller, la compassion de pardonner réellement.

Trouver l’état, c’est trouver le Graal mais chercher directement l’état, c’est la quête du Graal qui ne se termine pas très bien pour ceux qui l’ont cherché…

 

Le savoir-faire

 

Entre les deux, il y a ce que j’appellerais le savoir-faire. Pour moi, c’est l’acquisition de savoir par l’expérimentation et la compréhension des principes pratiques qui sous-tendent la théorie. Dans ce cas, on part de principes théoriques que l’on cherche à redécouvrir ou à appliquer pour produire quelque chose à partir d’hypothèses définies. C’est la base de l’apprentissage par la recherche, qui forme les chercheurs, mais aussi des éducations de type Montessori. L’expérimentation, cadrée par de la théorie, est la base de cette méthode. Une observation permet de poser une question. La théorie permet de contextualiser la question et de mettre ne place un protocole adapté pour y répondre. La théorie toujours permet de mettre en place les contrôles pertinents pour évaluer cette hypothèse. La pratique permet d’amener la donnée nécessaire pour l’ensemble.

L’avantage de cette approche est triple. D’abord, elle permet une compréhension profonde de « comment ça marche ». Ensuite, elle facilite la transposition de ce que l’on apprend dans différents domaines  en dégageant des principes. Enfin, contextualiser des principes devient une seconde nature. On s’affranchit dans une certaine mesure d’un domaine de compétence pour en explorer d’autres.

Dans cette méthode, l’acquisition de savoir théorique statique est minimale, mais le temps d’expérimentation/ pratique et de questionnement est considérable.

 

Comment retrouve-t-on cela dans l’apprentissage de la respiration consciente ?

 

Ces trois approches sont courantes dans la pratique de la respiration consciente. Traditionnellement, on retrouve l’approche de l’état ou de l’unité. Par exemple, dans les pratiques taoïstes, une bonne respiration est le reflet d’un corps qui fonctionne bien. On ne va pas chercher un travail actif dessus. C’est seulement quand elle est bonne que l’on entame un travail de rétention ou d’allongement. De même, en yoga, bien qu’il y ait le pranayama, beaucoup de professeurs disent que les poses servent à entraîner le corps pour laisser passer le souffle.

Quant au pranayama, au-delà des techniques spécifiques, elles présupposent que la personne respire correctement (sinon, la plupart des techniques sont soit inefficaces soit irréalisables). Ainsi, dans ces pratiques, c’est en pratiquant la respiration que l’on est censé trouver la respiration correcte.

À l’autre extrémité, on trouve la pratique par la multiplicité et la théorie à outrance, sans contextualisation. Cela va souvent passer par un mélange d’explications scientifiques. Parfois, en citant des publications  peu analysées ni comprises. On produit un catalogue technique infini où l’on peut sans difficulté inventer une nouvelle technique par jour. Peu importe qu’elle est une réel effet ou une plu-value.

Cette accumulation d’informations plaît au mental, mais produit peu de résultats concrets. Pour obtenir des résultats, il faut du lien et de la contextualisation. Or, cela nécessite de pratiquer en profondeur, ce qui est impossible si l’on multiplie les informations sans cesse. De plus, cette approche évite souvent la validation par l’expérience, qui pourrait entraîner une remise en question. On se retrouve un peu comme un hamster dans une cage à courir dans le vide et souvent content d’avoir couru. En effet, l’utilisation excessif du mental provoque beaucoup de joie…

Au milieu de tout cela, et c’est ce que j’essaie de faire lors des cours REBO2T, je propose une expérimentation basée sur une théorie solide, pour illustrer un principe spécifique. Une fois que la pratique permet d’exprimer ce principe, j’explique pourquoi ça fonctionne ainsi. Cela permet de se concentrer sur une progression, menant à l’acquisition d’une compétence qui sera en accord avec un principe. Ce principe permettra ensuite l’adaptation et la transposition. L’exemple parfait est la respiration naturelle. C’est une technique, mais qui illustre plusieurs principes indispensables dans la pratique de la respiration consciente.

 

L’apprentissage (et l’enseignement!) est un miroir du fonctionnement de l’esprit

 

J’ai pris l’exemple de la respiration consciente, mais toute autre discipline aurait pu être choisie. La particularité de la respiration consciente est qu’elle peut être abordée par différents aspects : mécanique, physiologique, émotionnel… Certains moyens d’apprentissage sont plus adaptés à certaines thématiques.

Prenons un exemple : pour apprendre à jongler au football, il vaut mieux passer par le corps. Vous pourrez avoir tout compris de la biomécanique de la hanche et de la physique de la balle, cela ne vous permettra pas de faire des jongles. À l’inverse, si vous voulez devenir bon aux échecs, passer par l’action sera contre-productif, car un bon joueur vous neutralisera en quelques coups, empêchant ainsi votre progression par l’expérience.

Lorsque quelqu’un choisit spontanément une approche a priori moins adaptée, cela en dit long sur le fonctionnement de son esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? Ma définition est un ensemble d’unités fonctionnelles traitant de l’information matérielle ou non, permettant d’établir une carte du monde et de décider comment interagir avec. Si on utilise toujours la même unité fonctionnelle dans toutes les situations, cela ne peut pas fonctionner.

Un exemple amusant est la gestion du stress. Combien de formateurs sur ce sujet ai-je vus avec un corps tellement tendu que je parierais sur un décès par crise cardiaque dans les années à venir… Pourtant, ils savent tout du stress et de la neuroscience du stress, mais cela ne les empêchera pas de mourir de stress. Cela montre une propension de l’esprit à privilégier le mental et le fantasme. Le mental, en accumulant des informations, fait croire qu’il sait faire, mais il n’en est rien. L’inverse est aussi vrai, dans le sport par exemple, où de grands joueurs sont souvent de mauvais enseignants, car ils savent faire mais ignorent pourquoi ils font ce qu’ils font.

Un apprentissage correct est donc favorisé par une clarté sur qui nous sommes et comment nous fonctionnons, avec un équilibre entre les différentes tendances, afin de privilégier le savoir-faire plutôt que le savoir ou l’état.

 

Le paradoxe de l’apprentissage du fonctionnement de l’esprit

 

Il existe un paradoxe lorsqu’on veut étudier l’esprit : un système ne peut pas s’étudier lui-même. C’est pourquoi il est important de le subdiviser en parties qui peuvent elles s’observer les unes et les autres. Il faut donc être capable de varier les angles d’approche pour entraîner l’esprit dans son ensemble. Ce travail est très bénéfique, car il oblige à se familiariser avec chaque mode d’apprentissage, permettant chacune d’explorer différentes parties de l’esprit. En procédant ainsi, le pratiquant développe une connaissance des principes régissant le fonctionnement de l’esprit et peut choisir le bon principe pour accélérer son apprentissage en fonction de la compétence à acquérir.

C’est pourquoi ce travail fait partie intégrante de la méthode REBO2TLa méthode REBO2T, mais il n’est accessible qu’après avoir mis en place une respiration correcte, qui servira à explorer certaines parties de l’esprit. Sans cela, cette exploration est très difficile.

Ayant expérimenté de nombreuses approches pour travailler l’esprit, je ne connais rien de plus complet que celle-ci, qui allie la méthode expérimentale.

 

Conclusion

 

L’apprentissage est à la base de l’évolution, mais il comporte de nombreux écueils méthodologiques, intellectuels et cognitifs. La méthode consistant à s’appuyer sur la théorie pour construire des hypothèses, les tester et les valider ou non, me semble toujours la plus efficace et la plus sûre. Malheureusement, pour maîtriser cette méthode, l’esprit doit être clair. C’est pourquoi comprendre le fonctionnement de l’esprit et savoir activer ses différentes fonctions est si important.

La prochaine fois que vous vous lancerez dans un apprentissage, vérifiez tout cela. Vous comprendrez vite la qualité du contenu et avancerez rapidement sur la voie que vous avez choisie !

À bientôt,

Yvan

Subscribe To Our Newsletter

Join our mailing list to receive the latest news and updates from our team.

You have Successfully Subscribed!